Du 19 avril au 4 juillet, la Cinémathèque du documentaire, au Centre Pompidou à Paris, revient sur cinquante ans d’histoire des femmes à travers le cycle Contre-chant : luttes collectives, films féministes. L’occasion de dénicher nombre de pépites, d’ici ou d’ailleurs, et de tisser des liens entre hier et aujourd’hui…
Parce qu’il est né d’un combat
Au commencement était le verbe, paraît-il. Au commencement était aussi la vidéo, en tout cas pour le cinéma féministe ! Nul hasard si la programmation du cycle Contre-chant s’appuie sur le très riche catalogue du Centre audiovisuel Simone de Beauvoir. Créée en 1982 par trois insoumises et “insoumuses” de renom – la comédienne Delphine Seyrig, la vidéaste pionnière Carole Roussopoulos et la réalisatrice Ioana Wieder –, cette structure a eu pour but, d’emblée, de conserver, archiver, produire et diffuser des documents audiovisuels sur les droits, les luttes et les créations des femmes. Une démarche militante qui a pu voir le jour grâce à l’éclosion, alors, de la vidéo, outil léger facilitant ô combien le cinéma de contrebande et l’autoproduction ! Grâce à elle, il devint possible à Delphine, Carole, Ioana et les autres d’enregistrer la voix des femmes au débotté, de les encourager à se confier, de les filmer dans la rue, au travail ou chez elles. Bref, de donner à voir une autre représentation du “deuxième sexe”, en marge de l’industrie, donc du discours dominant. Juste retour des choses : les films (restaurés) de ces figures fondatrices sont en bonne place dans ce cycle printanier. À ne rater sous aucun prétexte : Maso et Miso vont en bateau (1976), du collectif Les Insoumuses (donc), et Sois belle et tais-toi ! (1977), de l’incomparable (et toujours aussi moderne) Delphine Seyrig. Deux valeurs sûres.
Parce qu’il la joue collectif
Par-delà ces films marquants, ce qui frappe et ravit dans cette programmation pléthorique, heureusement découpée en sections et thématiques (“Par-delà les frontières”, “Avec les travailleuses”, “Nous ne sommes pas mâles dans notre peau”, etc.), c’est combien la notion de groupe, donc de solidarité, est importante. Aussi bien hier, avec les images réalisées par le Mlac (Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception) d’Aix-en-Provence et Yann Le Masson (Regarde elle a les yeux grand ouverts, 1982), qu’aujourd’hui (une séance spéciale est ainsi proposée autour du collectif La Poudrière, formé, lui, en 2016). Une vibration plurielle que l’on retrouve également dans la démarche transnationale de certaines cinéastes, soucieuses dès les origines de jeter des ponts entre les luttes (Black Panthers, d’Agnès Varda, en 1968 ; La Conférence des femmes-Nairobi 85, de Françoise Dasques). Autant dire que l’union fait la force, d’une époque à une autre, d’un pays à un autre, et que la perspective intersectionnelle n’est vraiment pas une lubie, images à l’appui.
Parce qu’il dialogue avec aujourd’hui
Ultime raison de se plonger dans cette histoire alternative du cinéma ? Son actualité. Ce que ces images vibrantes, voire véhémentes, montrent en premier lieu, c’est à la fois le chemin parcouru et celui qu’il reste à faire, aussi bien en termes d’éducation (Ça bouge à Mondoubleau, de Carole Roussopoulos et Catherine Valabrègue, 1982), que de luttes contre les violences liées au genre et à la sexualité (Après-coups, de Romane Garant-Chartrand, 2023), ou même d’égalité dans le monde du travail (Profession : agricultrice, de Carole Roussopoulos, 1982 ; Peuple de l’eau, d’Azadeh Bizargiti, 2018). Que l’on se rassure : s’il est une chose que cette programmation démontre, c’est bien que les réalisatrices restent au taquet. Rien de tel, il est vrai, que des images libres, autonomes, voire détachées des schémas classiques, pour déconstruire les stéréotypes !
Contre-chant : luttes collectives, films féministes, un cycle proposé par la Cinémathèque du documentaire à la Bibliothèque publique d’information (BPI) du Centre Beaubourg, à Paris, du 19 avril au 4 juillet. Toute la programmation à retrouver ici.