Deux belles sorties dans les salles obscures cette semaine. « Delphine et Carole, insoumuses », de Callisto McNulty et « Le Kiosque », d’Alexandra Pianelli.
Delphine et Carole, insoumuses, belles et rebelles
À n’en pas douter, ces deux-là sont stimulantes ! Parce qu’elles sont marrantes, ardentes et brillantes. Et parce qu’elles sont courageuses aussi, comme le rappelle le beau documentaire que Callisto McNulty leur a consacré… « Elles », ce sont Delphine Seyrig, actrice mythique (on ne se lasse pas de la revoir dans les films d’Alain Resnais, Marguerite Duras, François Truffaut, Luis Buñuel ou Jacques Demy), et Carole Roussopoulos, documentariste franco-suisse. Ces deux pétroleuses se sont connues lors d’un stage organisé par la seconde, en 1969.
C’est alors qu’elles scellent leur amitié, avant de créer (avec Ioana Wieder, troisième larronne) le collectif Insoumuses en 1975, puis le Centre audiovisuel Simone-de-Beauvoir en 1982. Fortes de leur engagement féministe, mais encore de leur goût commun pour la réalisation de films joyeusement subversifs et faussement bricolés. S’engouffrant avec une rare liberté dans les combats de l’après Mai-68, Delphine et Carole ont, de fait, commis nombre de documentaires intransigeants, quand elles ne se sont pas amusées à détourner – génialement – des images de la télé de l’époque, épinglant la misogynie peinarde de Pierre Bellemare, de Bernard Pivot ou du couturier Louis Féraud, ou se moquant de Françoise Giroud alors qu’elle était secrétaire d’état chargée de la condition féminine. Autant d’archives, fragiles mais foisonnantes, que Callisto McNulty (petite-fille de Carole Roussopoulos) s’est employée à remettre en avant quarante ans plus tard. C’est peu dire qu’elles galvanisent son film… et nous avec !
Delphine et Carole, insoumuses, de Callisto McNulty. Sortie le 6 octobre.
Voir la bande annonce du film :
Le Kiosque, savoir tourner la page
Alexandra Pianelli est fille, petite-fille et arrière-petite-fille de kiosquier·ères à Paris. Elle est aussi une jeune réalisatrice futée et affûtée. Alors qu’elle prête main-forte à sa mère sur le point de prendre sa retraite et de fermer boutique, elle se filme in situ avec un simple iPhone, de même que les va-et-vient incessants des client·es. Histoire de garder une trace tangible de cette longue histoire familiale ? Pas seulement. Sa démarche se veut plus profonde, plus universelle. Elle débouche, de fait, sur un petit miracle de film tendre, à la fois drôle, bouleversant et instructif.
Bien sûr, au départ, il faut s’habituer à son côté journal de bord bricolé, son et image (très) aléatoires à l’appui. Ça bouge, sursaute, chuinte, s’illumine ou s’éteint indifféremment. Il faut dire qu’il se passe beaucoup de choses à l’intérieur de ce minikiosque rempli du sol au plafond et battu par les vents !
Précisément : Alexandra a vite compris qu’elle pouvait faire de ce lieu contraint une lucarne ouverte sur la vie de quartier comme sur le monde. Jouant à la marchande au côté de sa mère, elle filme avec humour les client·es les plus fidèles, donnant à voir des tranches de vie fugaces, confondantes d’humanité. À travers la fin programmée de ce kiosque modeste, elle nous raconte aussi, finement, le déclin de la presse écrite. Une lueur d’espoir tempère pourtant son récit « mélancomique » : à un moment donné, Alexandra surprend sa mère en train de lire… Causette ! Raison de plus pour trouver ce Kiosque très chouette !
Le Kiosque, d’Alexandra Pianelli.