Une créature qui échappe à son créateur et aux conventions, une femme dure qui s’adoucit dans le froid glacé, une animatrice de club de vacances rattrapée par la mélancolie, une hackeuse fascinée par un tueur en série… voici les sorties cinéma du 17 janvier.
Pauvres Créatures
Mordante, ludique, jubilatoire, insensée : les adjectifs s’entrechoquent pour qualifier la nouvelle fable (géniale) du cinéaste grec Yorgos Lanthimos. Sans doute parce qu’elle se laisse difficilement circonscrire, comme toute grande œuvre audacieuse, oscillant généreusement entre le récit d’émancipation, le conte gothique victorien, la farce fantastique et la comédie noire. Un sacré tournis ? Mieux que ça : une expérience unique, sur le fond comme sur la forme, dûment saluée par un Lion d’or, récompense suprême de la Mostra de Venise.
Le point de départ dépayse de toute façon : Pauvres Créatures nous projette dans l’enclos d’un manoir bourgeois, là même où Bella, une jeune femme suicidée, a été ramenée à la vie par l’étrange Dr Baxter, grâce à une greffe peu orthodoxe du cerveau. Reste que la brunette aux yeux clairs doit tout réapprendre, notamment à parler, telle une grande petite fille naïve avide de tout découvrir. Tant et si bien que la créature finit par échapper à son créateur ultra protecteur ! La voilà qui s’enfuit avec une crapule d’avocat, grâce auquel elle va parcourir le monde et découvrir les plaisirs de la chair, avant de poursuivre sans lui, ici et ailleurs, son odyssée placée sous le triple signe de la sensualité, de la liberté et de l’égalité.
Difficile, bien sûr, de ne pas relever la référence au Frankenstein de Mary Shelley (quand bien même Pauvres Créatures est l’adaptation d’un roman de l’écrivain écossais Alasdair Gray, publié en 1992). Difficile, aussi, de ne pas savourer la relecture politique que Yorgos Lanthimos en fait. Certes, son film picaresque, jalonné de gags visuels, de scènes burlesques (ainsi la danse désarticulée, impudique et joyeuse de Bella et son amant dans une salle de bal guindée) et de clins d’œil facétieux (les animaux mutants, mi-canards, mi-chèvres, qui entourent ce savant fou de Baxter), est hilarant. Certes, il est brillamment mis en scène : on passe en toute fluidité du noir et blanc aux couleurs saturées, et de l’hommage à l’expressionnisme allemand au grand angle surréaliste et déformé. Mais il s’affirme aussi comme un[…]