capture decran 2021 03 31 a 10.40.16
©Capture d’écran Representrans.fr

Transidentité : un annuaire d’acteurs et d’actrices pour enri­chir nos repré­sen­ta­tions à l’écran

Ce 31 mars, c’est la Journée inter­na­tio­nale de la visi­bi­li­té trans. C’est en ce jour que le col­lec­tif Représentrans a choi­si de lan­cer un annuaire de comédien·nes trans­genres, pour per­mettre une meilleure connec­tion avec les pro­fes­sion­nels du cinéma.

Ils, elles et par­fois même iels sont une qua­ran­taine d’acteur·rices débuttant·es ou confirmé·es et ouvert·es aux oppor­tu­ni­tés. Ce 31 mars, à l’occasion de la Journée inter­na­tio­nale de la visi­bi­li­té trans, le pre­mier annuaire de comédien·nes trans­genre lan­cé en France les ras­semble sur Representrans.fr, un col­lec­tif œuvrant à « une meilleure repré­sen­ta­tion des per­sonnes trans­genres et non-​binaires dans l’audiovisuel ». Leur tête d’affiche ? Rien moins qu’Océan, comé­dien, réa­li­sa­teur et ex-​chroniqueur pour Causette. « L’idée prin­ci­pale de cet annuaire est de mettre à dis­po­si­tion des pro­fes­sion­nels du monde du ciné­ma des acteurs et des actrices trans, capables de jouer des per­son­nages trans, de façon à évi­ter de faire jouer ces per­son­nages par des comé­diens cis­genres, comme c’est encore trop sou­vent le cas, explique Charlie Fabre, cher­cheur en études trans et co-​fondateur de Représentrans. Nous vou­lons mon­trer que les acteurs trans existent, sont talen­tueux et peuvent mieux cor­res­pondre aux rôles. »

Le jeune homme, lui-​même trans, s’est inté­res­sé à la repré­sen­ta­tion trans au ciné­ma grâce à un mémoire réa­li­sé en 2019 dans le cadre de son Master en études de genre, lit­té­ra­ture et culture et inti­tu­lé Le cis gaze reflé­té au ciné­ma. S’inspirant du Female gaze – le per­cu­tant essai d’Iris Brey démon­tant le male gaze et cher­chant à défi­nir un objet ciné­ma­to­gra­phique sans objec­ti­va­tion des femmes – Charlie Fabre y défi­nit le cis gaze comme « un regard sys­té­mique, le regard quo­ti­dien des per­sonnes cis sur nos corps et nos vies de per­sonnes trans ». A l’écran, cela donne, selon la caté­go­ri­sa­tion du cher­cheur, vingt cri­tères récur­rents quand des trans sont mis.es en scène. Parmi ces cli­chés, le fait que le per­son­nage « a pour pré­oc­cu­pa­tion cen­trale ou unique sa tran­si­tion » ; « suit un par­cours médi­cal et l’on peut voir ses prises d’hormones et /​ou des opé­ra­tions chi­rur­gi­cales /​esthé­tiques liées à son par­cours de tran­si­tion » ; « voit son iden­ti­té remise en ques­tion par un per­son­nage cis » ; « voit son iden­ti­té vali­dée par une ana­lyse psy­chia­trique » ; « cause la détresse émo­tion­nelle de l’un.e de ses proches » ; « se regarde entiè­re­ment nu.e dans un miroir » ; « se fait du mal, de quelque manière que ce soit »… En fait, le cis gaze au ciné­ma a ten­dance à repré­sen­ter une per­sonne trans uni­que­ment durant sa phase de tran­si­tion et à en faire un épi­sode néces­sai­re­ment dou­lou­reux à tra­ver­ser avant ce qui est obli­ga­toi­re­ment per­çu comme une « renais­sance »… Quand il ne « féti­chise » pas son sujet, comme lorsque la camé­ra s’attarde sur la rela­tion d’une femme trans à sa palette de maquillage, par exemple.

« Elargir l’horizon »

« Les der­niers films met­tant en scène des per­son­nages trans et qui ont été salués par la cri­tique autant que par le public, comme Danish girl de Tom Hooper ou Girl de Lukas Dhont cochent une majo­ri­té de ces cri­tères, observe Charlie Fabre. D’ailleurs, ce sont deux films qui ont choi­si des acteurs cis pour jouer la per­sonne trans ! Quand on pointe cela, on nous rétorque sou­vent qu’un acteur cis est capable de tout jouer. Nous répon­dons qu’un acteur trans aus­si, il est par­fai­te­ment capable de jouer au cis et donc d’avoir le rôle-​titre dans une œuvre retra­çant une tran­si­tion ! » Pour sor­tir la tran­si­den­ti­té de l’ornière du cis­gaze, Representrans déve­loppe un ser­vice de conseils à l’adresse des réalisateur·trices qui sou­hai­te­raient l’évoquer, à la manière de l’inti­ma­cy coor­di­na­tor (« coordinateur·trice d’intimité ») qu’on a vu naître à Hollywood pour veiller au consen­te­ment des acteur·trices qui doivent jouer des scènes à carac­tère sexuel. Ou encore, le métier de sen­si­tive rea­der, qui, là encore dans le monde anglo-​saxon, pro­pose aux auteur·trices de faire relire leurs œuvres par l’œil d’une mino­ri­té concer­née afin d’éviter les offenses. Pour Charlie et ses col­lègues de Representrans, c’est une manière d’apporter une pierre construc­tive à l’édification de repré­sen­ta­tions de per­son­nages trans plus créatives.

« Nous sou­hai­tons élar­gir l’horizon des réalisateur·trices, en leur pro­po­sant une vision dans laquelle une per­sonne trans n’est pas néces­sai­re­ment mal­heu­reuse, pros­ti­tuée ou même, hété­ro­sexuelle, détaille Charlie. La pre­mière ques­tion que ces pro­fes­sion­nels devraient se poser, c’est “dans quel but je mets en scène une per­sonne trans ?” » Pour le col­lec­tif Représentrans, l’idéal serait qu’advienne une époque dans laquelle la tran­si­den­ti­té ne soit pas repré­sen­tée seule­ment dans sa phase explo­ra­toire mais tout sim­ple­ment nor­ma­li­sée : des films et des séries dans les­quels la per­sonne trans n’est plus un sujet en soi mais un per­son­nage qui évo­lue aux côtés de per­son­nages cis et à qui il arrive d’autres « Et c’est tout à fait pos­sible ! Dans la série Skam [sur sla­shtv, ndlr] par exemple, il y a un per­son­nage trans nor­ma­li­sé, qui ne bataille pas avec son iden­ti­té », pré­cise Charlie Fabre. Avec l’annuaire mis à dis­po­si­tion par Représentrans et des­ti­né à s’étoffer avec le temps, les réalisteur·trices et autres casteur·euses ont un vivier de talents dans lequel trou­ver leur future star. Qui, magie du ciné­ma, peut même jouer un per­son­nage cis jusqu’au bout du film.

Partager
Articles liés