Que se passe-t-il quand la poésie se lève, s’exprime, se met à nu, ose glisser sa langue dans les recoins inédits du réel ? Voici quatre romans en librairie ce mois-ci qui, par leur puissance poétique, ouvrent nos yeux, nos narines et nos antennes pour réinventer le monde… pour le meilleur et pour le pire.
Et, refleurir, de Kiyémis
Dans le premier roman très attendu de l’essayiste et poétesse afroféministe Kiyémis, Et, refleurir (éditions Philippe Rey), tout part d’une vision, ou plutôt d’un rêve récurrent. Celui d’Andoun, “petite fille spéciale”, comme son père le lui répète souvent. Née dans les années 1950 à Nyokon, un village du Cameroun, Andoun passe son enfance à labourer les champs pour y cueillir l’arachide, alors qu’elle a horreur de cela. La nuit, elle rêve que les arachides disparaissent pour laisser place à de grandes fleurs jaunes qui l’enveloppent de douceur et la transportent délicatement vers un autre pays, un autre monde. Sa vie n’est pas ici, elle le sent. Alors elle cherche… Et nous voilà parti·es aux côtés de cette jeune fille intrépide, de Nyokon à Paris en passant par Douala, capitale économique du Cameroun. Tout devrait la pousser à renoncer à son rêve, qui fait ricaner le monde entier. Maltraitée par les hommes qui promettent de la protéger, humiliée, victime d’arnaques, de violences racistes et sexistes, Andoun devient mère dès son adolescence, passe une vie entière à changer de prénom, de maison et de fonction : bonne à marier, femme de ménage, esthéticienne, hôtesse d’accueil, entrepreneuse à[…]