Dans son premier livre poignant, À corps ouvert, l’actrice Vahina Giocante revient sur l’inceste commis sur elle par son père de ses 5 à 10 ans, avant qu’il ne soit condamné à de la prison. Causette a rencontré cette survivante pour parler des étapes de sa reconstruction.
Causette : Pourquoi est-ce que vous avez eu envie d’écrire ce livre ?
Vahina Giocante : Le déclic a eu lieu après le départ d’Adèle Haenel des César. J’ai eu envie de prendre la parole et de la soutenir. Après, je crois que je me suis rendu compte aussi de la nécessité de faire tomber le tabou. Je n’ai pas vraiment écrit ce livre pour moi. Parce que je suis à un moment de ma vie où ça va plutôt bien. Mais j’ai eu besoin de raconter la trajectoire de guérison. Ce n’est pas tellement un sujet qui est abordé sous cet angle-là. J’avais envie de l’aborder sous un angle plutôt lumineux.
Dans ce livre, pour nommer les choses, vous parlez de l’inceste que vous avez subi. Une enfance marquée par la honte…
V.G : L’enfance en elle-même, je la raconte dans le livre. Dans le sens où l’épisode de l’inceste arrive assez tôt. Il arrive à la vingtième page et j’en parle de manière assez détaillée. Mais ce que je raconte, c’est plutôt le système insidieux de l’inceste. C’est-à-dire comment l’inceste se met en place. On a du mal à poser des mots dessus quand on le vit. Ce n’est que bien plus tard qu’on arrive à comprendre l’étendue de l’impact et de la déflagration qu’on vit. La honte fait partie de l’inceste. C’est une charge que l’on porte. On sent bien qu’on vit quelque chose d’anormal, sans vraiment comprendre jusqu’à quel point c’est anormal. Il y a aussi toute la culpabilité de détruire une famille, de détruire les gens qu’on aime.
Et justement, vous venez de le dire, vous êtes très jeune quand ça vous arrive. À quel moment vous comprenez que, je vous cite, “les câlins qui dérapent” de votre père, ce n’est pas normal ?
V.G : J’en prends conscience, je dirais vers 7–8 ans, quand il me dit qu’on risque la prison, la séparation. Qui dit prison, dit quelque[…]