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© Billie Eilish – William Drumm

Alors il est com­ment le nou­veau Billie Eilish ?

À la pre­mière écoute de Hit Me Hard and Soft, le troi­sième album de la jeune chan­teuse Billie Eilish, on ne peut qu’être frap­pé par la qua­li­té et la soli­di­té des dix chan­sons, où elle nage dans les eaux troubles de la célé­bri­té et de l’amour. Une artiste défi­ni­ti­ve­ment à part dans le monde de la pop.

Sur la pochette de son troi­sième album, Hit Me Hard and Soft, sor­ti ven­dre­di 17 mai, Billie Eilish se retrouve plon­gée dans une pièce entiè­re­ment rem­plie d’eau, visi­ble­ment en mau­vaise pos­ture. Ce motif de la noyade, la chan­teuse amé­ri­caine y avait déjà eu recours en 2020, dans le clip du mor­ceau Everything I Wanted, sûre­ment l’un des plus per­son­nels de sa dis­co­gra­phie. Elle par­ta­geait alors les idées sui­ci­daires qui l’avaient tra­ver­sée, juste après ses débuts ful­gu­rants mais néan­moins ver­ti­gi­neux, et auraient pu l’engloutir, sans la pré­sence ras­su­rante de son frère Finneas. Depuis ses débuts, elle enre­gistre toutes ses chan­sons avec ce der­nier, éga­le­ment chan­teur, musi­cien et pro­duc­teur courtisé.

Que ce motif revienne aujourd’hui n’est pas ano­din. À seule­ment 22 ans, Billie Eilish a eu mille vies, toutes plus scru­tées, com­men­tées et dis­sé­quées les unes que les autres, à mesure que son suc­cès s’amplifiait. Qu’il s’agisse d’une nou­velle cou­leur de che­veux, de son phy­sique ou de son der­nier petit copain, tous les aspects de son exis­tence lui échappent pour nour­rir les com­men­taires acerbes de la presse à scan­dale et des inter­nautes. De quoi don­ner le tour­nis à n’importe qui, même entou­ré de la meilleure des façons. C’est en sub­stance ce que chante la jeune artiste sur Skinny, la très belle chan­son d’ouverture de ce nou­vel opus. La dou­ceur de l’orchestre et des cordes qui accom­pagnent sa voix vapo­reuse ferait presque oublier le texte beau­coup plus acide, qui tacle les per­sonnes qui com­mentent sa perte de poids (“Les gens disent que j’ai l’air heureuse/​Juste parce que j’ai min­ci”), celles qui prê­chaient à outrance sa matu­ri­té à seule­ment 16 ans (“Est-​ce que je fais mon âge main­te­nant ?/​Est-​ce que je suis sur le déclin ?/​Quand je sors de scène, je suis comme un oiseau dans une cage”) ou enfin les trolls qui l’attaquent inlas­sa­ble­ment en ligne (“Internet est avide de choses cruelles à moi­tié drôles/​Et quelqu’un doit le nour­rir”).

La pré­sence de cet orchestre marque une rup­ture avec les deux pre­miers disques de Billie Eilish (When We Fall Asleep Where Do We Go ? et Happier Than Ever). “Plus de musi­ca­li­té”, analyse-​t-​elle au micro de Rebecca Manzoni, dans l’émission Totémic de France Inter, seule inter­view réa­li­sée auprès d’un média fran­çais dif­fu­sée ce ven­dre­di 17 mai. “On a tou­jours vou­lu tra­vailler avec un orchestre, poursuit-​elle. Depuis des années, on essayait sans y arri­ver. Pour ce disque, on a été inflexibles, il nous fal­lait un orchestre ou des cordes. Avant, on avait jamais recours à d’autres musi­ciens, on fai­sait tout Finneas et moi. C’est très nou­veau pour nous et très gra­ti­fiant, ça donne une musique plus ample.”

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Une grande soli­di­té musicale

À la pre­mière écoute de Hit Me Hard and Soft, on ne peut qu’être frap­pé par la qua­li­té et la soli­di­té des dix titres, qui béné­fi­cient indé­nia­ble­ment de la pré­sence de cet orchestre. Finneas s’est sur­pas­sé à la pro­duc­tion et réa­lise des petits miracles sur chaque chan­son, leur don­nant à cha­cune une cou­leur dis­tincte, qui semble néan­moins coha­bi­ter sur la même palette. Billie Eilish se sur­passe elle aus­si, autant dans l’écriture des textes que dans l’utilisation de sa voix. Elle ose, par exemple, abor­der son amour des filles, qu’elle affirme à RollingStone avoir décou­vert sur le tard, en écri­vant l’amusant mor­ceau Lunch, où elle ne fait pas mys­tère de son affec­tion pour les cun­ni­lin­gus. D’amour, il est aus­si ques­tion sur le doux-​amer Birfs of a Father, où l’interprète s’ouvre sans conces­sion mais sans naï­ve­té (“Ce ne sera peut-​être pas pour toujours/​Mais si c’est pour tou­jours, c’est encore mieux”). Elle s’interroge éga­le­ment sur les sen­ti­ments qu’elle a déve­lop­pés pour l’ex-petit copain d’une amie, sans cacher la cruau­té d’une telle situa­tion, avec la doux-​amer Wildflower.

L’amour, presque léger, qui irrigue une par­tie de l’album, laisse aus­si place à des moments de doutes et de soli­tude que Billie Eilish a déjà racon­tés aupa­ra­vant. Comme sur L’Amour de ma vie, où elle avoue avoir vécu une rela­tion toxique avec un homme qu’elle n’aimait pas, ou The Greatest, sur une rela­tion à sens unique. Sa voix douce se trans­forme en un cri déchi­rant à la fin de chan­son. Un chan­ge­ment de registre bou­le­ver­sant, qui montre l’étendue des capa­ci­tés vocales de la chan­teuse. “Pendant très long­temps, je n’ai été capable que de chan­ter dou­ce­ment, j’avais peur et je man­quais de métier, explique-​t-​elle sur France Inter. Le public ne se rend pas compte que chan­ter dou­ce­ment requiert une maî­trise qui vous mobi­lise entiè­re­ment. En vieillis­sant, en m’améliorant, cela me mobi­lise encore plus. Mais main­te­nant, je sais chan­ter de dif­fé­rentes façons, c’est fan­tas­tique. Mais inter­pré­ter les pas­sages aigus ou en force, ça m’intimide énor­mé­ment, c’est tel­le­ment éloi­gné de la façon de chan­ter avec laquelle j’ai grandi.”

Avec Hit Me Hard and Soft, Billie Eilish revient au milieu d’un prin­temps char­gé pour le monde de la pop, avec la publi­ca­tion des der­niers disques de Beyoncé, Ariana Grande, Taylor Swift et Dua Lipa ! Comme cette der­nière, l’artiste amé­ri­caine en est à son troi­sième essai. Mais contrai­re­ment à elle, la jeune femme a dévié de la tra­jec­toire habi­tuelle des sor­ties d’albums, en ne dif­fu­sant aucun single en amont, pour que l’on découvre l’album dans son inté­gra­li­té. Un geste auda­cieux, pour un pro­jet tout aus­si aven­tu­reux, qui montre à nou­veau que Billie, avec l’aide de Finneas, nage dans des eaux dif­fé­rentes des autres pop stars. 

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