En retrouvant le journal qu’elle a écrit l’année de ses 14 ans, Lucie Mikaelian décide d’en faire un podcast. Elle nous offre ainsi une plongée dans l’intimité de l’adolescente qu’elle était, entre découverte du désir et du sexe et passage d’enfant à femme.
Tout commence par une infection de punaises de lit dans l’appartement de ses parents. Lucie Mikaelian, 30 ans, retombe alors sur le journal intime qu’elle tenait l’année de ses 14 ans. À plusieurs reprises, déjà, elle avait tenté de le rouvrir. Sans succès. À chaque fois, un sentiment de honte l’empêchait de relire ce qu’elle avait écrit à l’intérieur. Il faut dire que sa prose de l’époque est très crue, sans pudeur, sans filtre. Elle y raconte en détail ce qui accapare l’essentiel de ses pensées d’adolescentes : perdre sa virginité. Encouragée par le mouvement #MeToo qui a libéré la parole sur les agressions mais aussi sur les désirs des femmes, ce qu’elles veulent ou ne veulent pas, elle décide cette fois de s’y replonger et poste certaines pages sur le compte Instagram Mes 14 ans.
Le 8 juillet dernier, elle transpose ses écrits en un podcast de 12 épisodes d’une vingtaine de minutes. La Lucie de l’époque (à qui la comédienne Marie Narbonne prête sa voix) nous lit les passages du journal. La Lucie d’aujourd’hui les commentes, leur apportant du contexte, analysant ses pensées d’adolescente avec son regard de trentenaire. Sa mère, certaines de ses copines et de ses ex interviennent aussi pour tenter de comprendre avec elle qui était la Lucie de 2003. A priori, sa vie est typique des adolescences vécues au début des années 2000 : accro à MSN, elle est fan de Tryo, cache ses strings au fond de son placard à l’abri du regard de sa mère, porte des baggy et un sac Eastpack tout tagué sur les fesses.
Cunnilingus et déclinaison latine
Au-delà de cette ambiance très « années 2000 » qui prête forcément à sourire, Lucie Mikaelian, avec cette rétrospective des débuts de sa sexualité, parle du désir féminin, présent bien plus tôt que ce que l’on croit. Si 17 ans et quelque est l’âge moyen de la première relation sexuelle, l’envie et les pensées érotiques sont là bien avant. En partageant toutes les anecdotes de sa vie d’ados, elle questionne aussi la difficulté d’un âge où l’on est plus vraiment enfant, mais pas encore adulte non plus. Une ambivalence qui donne lieu à des pages du journal où se côtoient les notes de son dernier contrôle, ses révisions et ses « envies de baiser » ou de cunni.
Mais en filigrane sont abordés des sujets malheureusement toujours autant d’actualité : le harcèlement de rue et l’impact de la presse féminine et de la pub sur les injonctions à « être » ou à « faire » d’une certaine manière, qui crée souvent des complexes dont il est difficile de se défaire. Pourtant, malgré la peur de l’inconnu et des débuts de diktats (être épilée, avoir un corps « parfait »), la Lucie de 14 ans semble être bien plus libre et à l’aise avec ce qu’elle veut, ce qu’elle aime et ce qu’elle n’aime pas que la Lucie d’aujourd’hui. Comme si l’expérience et les injonctions ne l’avaient pas encore vraiment pénétrée.
On finit vite par s’attacher à la protagoniste, et les épisodes se dévorent comme ceux d’une série Netflix. En nous donnant accès à son intimité de manière crue, loin du romantisme fleur bleue qu’on leur prête, Lucie Mikaelian nous montre que les jeunes filles sont plus souvent en feu qu’en fleur.
Le podcast est disponible ici : Mes 14 ans