skam saison 10 2
Zoé Garcia pour la série SKAM. ©Thibault GRABHERR-FTV

SKAM France : une sai­son 10 qui sonne juste sur le consen­te­ment et le viol conjugal

La série SKAM France aus­culte avec tou­jours autant de jus­tesse la vie de jeunes lycéen·nes français·es, se concen­trant pour cette sai­son 10 sur les thé­ma­tiques du consen­te­ment et du viol conju­gal. Des sujets lourds à por­ter qu’elle traite, pour l’instant, avec rigueur et émo­tion dans les très réus­sis trois pre­miers épisodes.

Anaïs et Hugo sont amoureux·ses. Les deux adolescent·es marchent dans les rues de la capi­tale, pas­sa­ble­ment ivres, après une soi­rée. « J’ai trop bu, je ne me sens pas bien, vrai­ment », dit-​elle. « Je suis démon­té aus­si, écla­té », renchérit-​il. Arrivé·es chez elle, tout·es les deux s’embrassent dans son cou­loir avant qu’Anaïs stoppe tout : elle pré­fère s’allonger, l’alcool lui don­nant envie de vomir. Attentionné, son copain lui apporte un verre d’eau et l’aide à se désha­biller. Mais sur le lit, Hugo recom­mence à l’embrasser, s’allongeant à moi­tié sur elle. Avec sa main, il se met à la cares­ser. « Non, arrête, j’ai pas envie », lui lâche-​t-​elle dis­tinc­te­ment en lui reti­rant sa main. « Allez, on va pas se voir pen­dant une semaine », lui oppose-​t-​il en conti­nuant ses caresses et ses bai­sers. Il ira jusqu’à la péné­trer avec son doigt avant de se mas­tur­ber à côté d’elle. Dans un état de sidé­ra­tion, Anaïs se laisse faire. Une larme coule sur sa joue. 

C’est avec cette scène très forte de viol conju­gal que s’est ouverte il y a quelques semaines la dixième sai­son de SKAM France, la série pour ados qui car­tonne sur la pla­te­forme en ligne France TV Slash. Adapté d’un pro­gramme nor­vé­gien, elle plonge chaque sai­son dans la vie d’un·e lycéen·ne traversé·e par une thé­ma­tique (le har­cè­le­ment sco­laire, l’homosexualité, le racisme…) avec un sys­tème ingé­nieux pour le·la suivre au plus près. Chaque jour (ou presque), une séquence est publiée en ligne à l’heure à laquelle elle se passe dans la fic­tion : si les jeunes sont à la can­tine lun­di à 12h, la vidéo sera pos­tée lun­di à 12h. Le ven­dre­di, un épi­sode repre­nant toutes ces séquences est ensuite publié sur Slash. 

Pour cette dixième mou­ture, les scé­na­ristes ont donc déci­dé de s’attaquer à un sujet lourd et encore peu trai­té dans les séries à des­ti­na­tion des jeunes. Le viol conju­gal et le consen­te­ment. « Même si on est post-​Me too, avec une nou­velle géné­ra­tion cen­sée avoir acquis la notion de consen­te­ment, ce n’est pas tota­le­ment le cas. Ce qui est acquis c’est qu’on en parle plus faci­le­ment et qu’on a des moyens de se recons­truire », explique Déborah Hassoun, direc­trice de col­lec­tions des quatre der­nières sai­sons. « On entend très rare­ment par­ler de ce type de viol en fic­tion. Alors qu’il est très cou­rant pour toutes les géné­ra­tions, mais en par­ti­cu­lier chez les jeunes car on est moins construits à cet âge-​là, on accepte des choses qu’on ne devrait pas accep­ter, on n’a pas de notions de limites », poursuit-​elle.

Réalisme et émotions

La séquence d’ouverture, froide et ultra-​réaliste, avec ses plans ser­rés étouf­fants se rap­pro­chant au fur et à mesure du visage d’Anaïs, embarque d’emblée les spectateur·trices dans cette nou­velle sai­son, bien dif­fé­rente de la pré­cé­dente mar­quée par son oni­risme et ses audaces dans la réa­li­sa­tion. « J’ai abor­dé ces nou­veaux épi­sodes très dif­fé­rem­ment, car il s’agit d’une thé­ma­tique grave, impor­tante et il n’était pas ques­tion d’avoir recours à des effets visuels. Je vou­lais faire quelque chose de natu­ra­liste, proche du docu­men­taire. Il y a peu de musique dans ce début de sai­son, qui est glo­ba­le­ment assez silen­cieuse. Je ne vou­lais aucun arti­fice », explique Shirley Monsarrat, la réa­li­sa­trice des quatre der­nières sai­sons de la série.

Celle-​ci est ain­si bien ancrée dans le réel de l’adolescente, un per­son­nage aupa­ra­vant secon­daire, un peu peste et obsé­dé par son compte Instagram, qui perd pro­gres­si­ve­ment pied dans les trois pre­miers épi­sodes que nous avons pu voir. Si dès la fin du pre­mier épi­sode, Anaïs raconte à deux amies ce qui lui est arri­vé, elle ne semble pas encore prête à mettre des mots des­sus. « Ça va il ne m’a pas vio­lée non plus, calmons-​nous, tout va bien. Je n’aurais jamais dû vous en par­ler, je savais que ça allait être un truc de ouf alors qu’en vrai il y a rien », leur dit-​elle immé­dia­te­ment face à leur visage pré­oc­cu­pé. À par­tir de là, la lycéenne essaie tant bien que mal de main­te­nir les appa­rences, mais s’interroge encore et tou­jours sur ce qu’elle a vécu. Elle se réfu­gie à l’excès dans la drogue pour oublier ses peines. 

Zoé Garcia, l’interprète d’Anaïs, impres­sionne par la jus­tesse de son jeu et les émo­tions qu’elle laisse trans­pa­raître. L’actrice, tout comme les scé­na­ristes, se sont plongé·es dans de nom­breux repor­tages, docu­men­taires et témoi­gnages pour construire son his­toire, qui sonne juste sans être théo­rique – la marque de fabrique de SKAM France. « Nous avions une res­pon­sa­bi­li­té car la fic­tion peut être un moyen pour se recons­truire. Même si nous ne pou­vions pas racon­ter toutes les his­toires des survivant·es, nous sou­hai­tions essayer de don­ner des outils de recons­truc­tion au plus grand nombre », sou­ligne Déborah Hassoun. Le but de cette sai­son est donc clai­re­ment d’éduquer et d’ouvrir la dis­cus­sion sur le consen­te­ment, autant chez les gar­çons que chez les filles. Et de mon­trer la réa­li­té du viol conju­gal. Car, relèvent Shirley Monsarrat et Déborah Hassoun, certain·es, jusque dans l’équipe de pro­duc­tion de SKAM France, n’ont pas encore conscience aujourd’hui de l’existence même de cette forme de vio­lence sexuelle, n’ayant pas l’impression que ce qu’a vécu le per­son­nage d’Anaïs est un viol. Ces nou­veaux épi­sodes, pour l’instant très réus­sis autant sur le fond que sur la forme, se veulent aus­si, disent-​elles, « un hom­mage » aux survivant·es, de véri­tables « war­rior ».

SKAM France est une copro­duc­tion Gétévé Productions (filiale du groupe Banijay) et France Télévisions. Un épi­sode est dif­fu­sé tous les ven­dre­dis à 18h sur la pla­te­forme France TV Slash.

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