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©Sandy Millar

Selon une étude, avoir des enfants ça rend de droite… ou tout l’inverse

Les parents seraient plus sen­sibles aux valeurs sociales conser­va­trices que les per­sonnes sans enfants, selon une récente étude amé­ri­caine menée par l’Université de Pennsylvanie. Un constat rapi­de­ment tor­pillé par la confron­ta­tion avec une étude précédente.

Avoir des enfants, ça rend de droite. C’est en tout cas ce qu’affirme une étude amé­ri­caine, com­po­sée de deux expé­riences, menée par l’Université de Pennsylvanie et publiée le 7 sep­tembre 2022 dans la revue scien­ti­fique The Royal Society. Dans la pre­mière expé­rience, 376 étudiant·es américain·es ont été divisé·es en deux groupes : l’un a obser­vé des objets du quo­ti­dien, l’autre des pho­tos d’enfants. Puis, tous·toutes ont répon­du à des ques­tions sur l’avortement et le mariage. Résultat, celles et ceux qui ont visua­li­sé des pho­tos d’enfants ont don­né des réponses plus socia­le­ment conser­va­trices que les autres. 

Pour la deuxième expé­rience, les scien­ti­fiques de l’université ont inter­ro­gé 2 610 adultes à tra­vers dix pays (Corée du Sud, Liban, États-​Unis, Pologne, Salvador, Serbie, Japon, Australie, Chili, et Danemark) afin de com­pa­rer les idées sur le plan social, selon qu’on soit parent ou pas. Résultat : les parents por­taient des idées plus conser­va­trices que ceux qui n’avaient pas encore d’enfants ou n’en vou­laient pas du tout. 

Plus sen­sibles aux valeurs sociales conservatrices 

Ce résul­tat pour­rait souf­frir d’un biais : il est admis sta­tis­ti­que­ment que les seniors sont les plus conservateur·trices – en France par exemple, 49 % des électeur·rices entre 60 et 69 ans ont voté pour François Fillon (LR) au pre­mier tour de la pré­si­den­tielle en 2017. Pourtant, une nou­velle don­née vien­drait bien s’ajouter aux che­veux gris pour expli­quer cette ten­dance : avoir des enfants. « Il y a cette idée que plus on vieillit, plus on devient conser­va­teur en rai­son de l’expérience de s’être frot­té à la dure­té de la réa­li­té. Mais ce n’est pas le cas. Si on regarde les résul­tats de l’étude : chez les per­sonnes qui ne sont pas parents, on ne voit pas une dif­fé­rence d’âge dans l’orientation poli­tique », a obser­vé Nicholas Kerry, l’un des co-auteur·rices de l’étude, rap­porte The Guardian.

Comment expli­quer alors qu’avoir des enfants influen­ce­rait nos opi­nions poli­tiques vers la droite ? « Puisque les valeurs sociales conser­va­trices pri­vi­lé­gient osten­si­ble­ment la sécu­ri­té ; la sta­bi­li­té et les valeurs fami­liales, nous fai­sons l’hypothèse qu’être davan­tage inves­ti dans le soin paren­tal pour­rait rendre les poli­tiques conser­va­trices plus attrac­tives », sug­gère ain­si l’équipe de chercheur·euses américain·es.

Limites de l’étude 

Pour le pro­fes­seur Paul Higgs de l’University College de Londres en revanche, il est impor­tant de prendre ces résul­tats avec des pin­cettes. Il note ain­si auprès du Guardian que ces récentes recherches réduisent l’origine de l’orientation poli­tique à des évé­ne­ments per­son­nels, comme le fait de deve­nir parent, sans prendre en compte des fac­teurs exté­rieurs tels que l’évolution de la socié­té du pays dans lequel on vit. Si cette étude montre d’ailleurs un lien de cor­ré­la­tion entre la paren­ta­li­té et l’orientation poli­tique dans les dix pays étu­diés, elle ne peut pas être appli­quée à tous les pays du monde. En Inde ou au Pakistan par exemple, la paren­ta­li­té ne serait pas liée à des com­por­te­ments plus conser­va­teurs, indique Nicholas Kelly, co-​auteur de l’étude sans en détailler les causes. 

La Dr Diana Burlacu, de l’Université de Newcastle, a de son côté salué l’étude dans les colonnes du Guardian, tout en sou­li­gnant qu’il est dif­fi­cile de déter­mi­ner si c’est réel­le­ment la paren­ta­li­té qui rend les gens plus conser­va­teurs, ou si les conservateur·rices sont sim­ple­ment plus sus­cep­tibles de sou­hai­ter deve­nir parents. Selon elle, « avoir des enfants ou non n’est donc qu’un fac­teur par­mi d’autres pou­vant avoir des consé­quences sur les valeurs sociales et poli­tiques des individus ». 

Dans sa propre étude réa­li­sée en 2020 sur la paren­ta­li­té et les pré­fé­rences en matière de poli­tique sociale, le Dr Diana Burlacu poin­tait d’ailleurs que les parents ne devien­draient pas davan­tage conservateur·rices sur le plan éco­no­mique, bien au contraire. « Nous avons consta­té que, lorsqu’ils deviennent parents, les gens changent de point de vue sur l’économie et sont plus favo­rables aux dépenses publiques », analyse-​t-​elle dans le jour­nal britannique. 

Conséquences sur l’avenir

Alors que la ques­tion de faire des enfants ou non se pose de plus en plus dans nos socié­tés occi­den­tales, notam­ment en rai­son du dérè­gle­ment cli­ma­tique, les chercheur·euses de l’étude publiée dans The Royal Society sug­gèrent que les consé­quences de faire des enfants ou pas pour­raient être poli­tiques : en clair, si faire des enfants rend davan­tage droite, la ten­dance poli­tique d’un pays pour­rait être modi­fiée par le taux de nata­li­té. « Étant don­né que la nata­li­té est en déclin dans la majeure par­tie du monde – mais est en aug­men­ta­tion consi­dé­rable dans cer­taines régions – les résul­tats trou­vés pour­raient avoir de pro­fondes impli­ca­tions pour le pay­sage poli­tique du futur », estime ain­si Nicholas Kerry. 

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