La proposition d’Emmanuel Macron de réfléchir à l’instauration d’un “devoir de visite” des pères dans les familles monoparentales, reposant le plus souvent sur des mères seules, a soulevé des interrogations chez des associations et des élu·es.
Dans un entretien vidéo au magazine ELLE, Emmanuel Macron a indiqué vouloir ouvrir un “débat”, qui serait, selon lui, “à la fois un débat sur la parentalité et un débat sur l’égalité entre les femmes et les hommes”, sur le fait “d’instaurer un devoir de visite des pères, un devoir d’accompagnement jusqu’à l’âge adulte, des enfants”.
“Quand il y a un père, il faut qu’il exerce tous ses devoirs et que la maman, quand elle est dans cette situation-là, puisse exiger des visites régulières”, ajoute-t-il, considérant que, “y compris pour l’enfant, c’est mieux”.
Dans la version écrite du magazine, mercredi, Emmanuel Macron estime qu’il “doit y avoir non plus seulement un droit mais un devoir de visite, un devoir de suivi, d’éducation, de poursuite du projet parental au-delà du couple”.
Le chef de l’État “évoque la possibilité de faire un débat: on est très preneurs de ce débat pour bien définir les contours de ce que peut ‘impliquer davantage les pères’ pourrait vouloir dire”, a indiqué Véronique Obé, représentante de la Fédération syndicale des familles monoparentales, qui regroupe une quinzaine d’associations.
“Il faut que ce soit vraiment dans l’intérêt de l’enfant et de la maman, on ne peut pas décréter ça sans mesure de protection”, a-t-elle ajouté.
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“Mettre la famille en danger”
Une famille sur quatre en France est monoparentale (soit deux millions de familles et 3,1 millions d’enfants mineurs) et compte à sa tête une femme dans 82 % des cas, a rappelé un récent rapport sénatorial.
La Fédération syndicale des familles monoparentales relève la nécessité de réformer le droit pour “permettre au parent qui a la garde exclusive de pouvoir exercer son autorité parentale sans être pénalisé” dans les démarches par l’absence de l’autre parent mais aussi celle de “libérer du temps pour la maman” s’occupant seule des enfants.
“Mais on ne peut établir un devoir de visite dans les cas où les séparations sont conflictuelles, où il y a maltraitance, violence, instrumentalisation de l’enfant, car ce serait mettre la famille en danger”, a pointé Véronique Obé.
“Il prend un bout de mesure”
Pour la sénatrice socialiste Colombe Brossel, co-auteure du rapport sénatorial paru en mars, “responsabiliser le conjoint non gardien, ce n’est pas seulement de la symbolique” avec un devoir de visite, “mais aussi augmenter le montant des pensions alimentaires” et abaisser le “taux ahurissant de 25% de pensions alimentaires non versées”.
“Comme souvent avec le président, il prend un bout de mesure et fait semblant de ne pas voir que la lutte contre les inégalités est systémique”, a-t-elle ajouté.
Le député LR Thibault Bazin, lui-même auteur d’une proposition de loi visant à transformer en “devoir” l’actuel “droit” de visite et d’hébergement du parent n’ayant pas la garde de l’enfant après une séparation, s’est dit pour sa part “dubitatif”.“J’ai du mal à voir ce que vise le président de la République (…). Il évoque les familles monoparentales, il évoque les émeutes… Vous avez des problèmes de devoirs parentaux, y compris hors quartiers d’émeutes”, conclut-il.