Maaï Youssef accumule les fausses couches, Lucille Dupré est aux prises avec la dépression post-partum. Amies depuis dix ans, les autrices s’adonnent à une correspondance où la dissection de ces maternités contrariées opère une forme de catharsis consolatrice.
C’est une correspondance entre deux amies de dix ans dont les vies se font face comme dans un miroir inversé : Lucille Dupré, deux enfants, traverse l’obscurité d’une dépression post-partum ; Maaï Youssef, trois fausses couches, se noie dans la tristesse du deuil périnatal. Cette dissymétrie aurait pu les éloigner, il n’en est rien. Dans un geste d’amitié cathartique, les deux trentenaires vont s’écrire, en établissant des jours consacrés à ces échanges, pour (dé)livrer leurs pensées. Le résultat vient d’être publié aux éditions Belfond, sous le titre de Lettres d’hiver, lettres d’été, écrire la maternité.
Au fil du texte, le rituel devient un rendez-vous qu’on sent attendu par les deux jeunes femmes. Leur moment à elles où déposer les maux à une amie qui vous connait très bien, mais avec toutefois une mise à distance que permet l’échange épistolaire – contrairement à l’instantanéité d’une conversation par téléphone ou par textos. Elles se confient sur leurs maternités, chacune à leur manière contrariée, trouvent des résonances de ce qu’elles vivent dans les textes d’autres autrices et s’apportent consolation, dans un double geste de main tendue par une amie et de reconstruction par l’écriture.
Très vite, il ne s’agit plus seulement de fausses couches et de post-partum, mais aussi d’oscillation entre désir de maternité et envie de conserver son quotidien fait de fêtes et de liberté professionnelle ; de maternité quand on a été violée ; de maternité quand cela fait longtemps qu’on a plus sa mère à ses côtés… Les deux amies élargissent ensuite le cercle de parole, en la donnant à des femmes qui ont pensé avant elles la maternité ou la non maternité, comme l’autrice Fiona Schmidt ou la thérapeute Camille Sfez. Leur manière à elles de rendre l’intime encore plus politique.
Bien sûr, l’exercice est travaillé, parce que ces deux talentueuses autrices se savent lues, dans le cadre de la résidence d’écriture décrochée par Maaï Youssef à la Villa Deroze à La Ciotat (Bouches-du-Rhône). Mais le résultat parlera sans nul doute à beaucoup de femmes de cette génération très informée sur les déboires de la maternité, déterminée néanmoins à trouver les mots pour panser.
Causette s’est entretenue avec Lucille Dupré et Maaï[…]