« Pas facile de respecter les distances de sécurité quand ton métier, c’est de faire des pipes ! » disait récemment Anaïs, porte-parole du Strass (syndicat des travailleurs·euses du sexe), dans un des nombreux live qu’on a vus fleurir pendant le confinement.
En effet, la pandémie qui nous a cloîtré·es chez nous avec nos crises d’angoisse, vibromasseurs et tablettes de chocolat pour principales compagnes a été plus violente pour certains corps de métier que pour d’autres. Les TDS (travailleurs·euses du sexe) habitué·es à travailler dans la rue ont été immédiatement impacté·es, se retrouvant sans clients, avec la terreur de tomber malade et l’incapacité pour certaines de payer leur loyer. Heureusement, la solidarité a été grande et des cagnottes de soutien ont vu le jour, notamment au Strass, chez Acceptess‑T, sur le compte Instagram de Judith @tapotepute ou de Tan @polyvalence, pendant que @charlieshe récoltait des fonds en faisant des vidéos de twerk pour les rediriger vers des comptes PayPal de TDS racisé·es un peu partout dans le monde. Les TDS étant toujours les premiers et les premières à aider d’autres TDS. Les murs Instagram, en tout cas le mien, se sont transformés en panneaux publicitaires caritatifs pour aider les plus précaires, et c’était beau à voir. Ça changeait de la compète du meilleur selfie à la plage.
Comme d’habitude, des putes, le gouvernement s’en est tamponné le coquillard. Marlène Schiappa a refusé tous les rendez-vous que les associations communautaires et de santé lui réclamaient depuis des mois, préférant toujours s’en référer aux associations abolitionnistes. Assos largement subventionnées à l’année, mais qui, pour le coup, avaient leurs maisons, euh pardon, leurs portes closes pendant le confinement, laissant leurs bénéficiaires sans ressources, pendant qu’Acceptess‑T et leurs bénévoles prenaient tous les risques pour livrer des colis alimentaires et des « medi-kit », notamment, à ces personnes. La mairie de Paris a cessé de répondre aux demandes de subventions d’urgence : « Nous reprendrons contact avec vous après le déconfinement. » Comme si la faim, la fièvre et les propriétaires véreux avaient attendu le 11 mai pour frapper à leur porte.
Pendant ce temps, ma compagne Charlieshe et ses collègues « out » et visibles en ligne ont vu leur messagerie privée exploser de demandes de civils (personnes non-TDS) qui voulaient des conseils pour se lancer dans le métier, comme activité de confinement. Comme si les TDS, en plus de devoir gérer l’angoisse de ne plus avoir de travail, devaient prendre en charge les formations sur mesure pour salarié·es en manque de frissons. Les sites type OnlyFans, source de revenus importante pour les TDS, furent soudainement saturés par les pages de civils se disant « body positive » et « pro-sexe », mais qui invisibilisent du même coup les travailleur·euses. Ces demandes s’accompagnant souvent d’un « je veux faire des choses jolies hein, moi, c’est un projet artistique avant tout », renforçant ainsi la putophobie ordinaire, comme si mettre un tissu rouge sur leur lampe de chevet pour tamiser l’éclairage rendait du coup leur chatte plus digne que celles des TDS dont c’est le métier à l’année…
Bref, comme d’hab, si ça vous dit d’aider vos sœurs, faites des virements et signez leurs tribunes plutôt que de vous improviser corona-domina !