ÉDITO. Dans un exercice de victimisation indigne, le député du Nord Adrien Quatennens a accordé deux interviews à La Voix du Nord et à BFM TV en début de semaine, après avoir été condamné à quatre mois de prison avec sursis pour « violences » sur son épouse, Céline Quatennens. Plutôt que de faire profil bas, l’élu La France insoumise (LFI) use dans ces prises de parole de tous les stratagèmes pour contester son sort et défendre son retour à l’Assemblée nationale dès janvier, alors même que son parti politique a décidé, dans le sillage de la condamnation, de l’exclure quatre mois également.
Tout d’abord, Quatennens nous a fait le coup – un classique des personnalités publiques accusées de violences de genre – de la victime d’une cabale médiatique (« Je découvre que quand on reconnait une faute, l’acharnement redouble, il y a eu en effet ce que moi j’appelle un lynchage médiatique »), doublée d’une insinuation de complot politique (« C’est évidemment politique […] L’occasion était trop belle pour abattre le principal porte-parole et coordinateur de La France insoumise […] Plusieurs sources concordantes me disent que cela a été directement orchestré depuis le ministère de l’Intérieur. Je ne suis pas en mesure de l’affirmer moi-même aujourd’hui ».) Conséquence, le député peut se permettre de faire de son affaire une cause plus grande que lui : « Si je démissionnais demain [comme le réclament plusieurs député·es Nupes], ce serait un précédent dangereux, qui ouvrirait la voie à toute instrumentalisation de la vie privée en politique. »
Mais le député manie également les ressors de l’intime, en exposant sa souffrance, comme pour faire oublier les actes qu’il a reconnus (une gifle et un harcèlement par texto) : « Ce que je vis depuis maintenant quatre mois, c’est d’abord et avant tout une épreuve personnelle. » Une argumentation qui prend l’auditeur·rice par les sentiments pour amorcer une relativisation de la violence conjugale : « Je n’ai tué personne, je n’ai violé personne, je n’ai pas de sang sur les mains. » Ce qui permet à l’élu de dire ensuite : « Je ne suis pas un homme violent. » Mais à quel moment devient-on un homme violent ? Si ce n’est pas à la première gifle ou à la première insulte, est-ce donc à la troisième ? À la quinzième ? Et qui le décide ? Certainement pas l’auteur des violences lui-même.
Enfin, et c’est sans doute le plus grave, Adrien Quatennens a construit sa défense médiatique en se répandant sur la vie privée de sa victime pour sous-entendre qu’il s’agit d’une femme fragile (et donc instable) : « J’ai rencontré celle qui sera mon ex-femme en 2008, j’étais étudiant. J’ai rencontré quelqu’un au passé douloureux, il a fallu être une épaule, je l’ai aidée pendant des années pour l’accompagner, puis nous avons trouvé une forme de quiétude et nous nous sommes mariés en 2014. » De quoi la dépeindre ensuite comme une personne manipulatrice : « J’avais été menacé par mon épouse qui m’avait dit “si le divorce ne se fait pas à l’amiable et à toutes mes conditions, je peux faire exploser ta carrière politique” et visiblement les menaces ont été mises à exécution. »
Cette défense utilisant des clichés sexistes pour renverser la culpabilité de la victime est d’autant plus terrible que, comme souvent dans ces affaires, elle s’opère dans un cadre parfaitement déséquilibré. D’un côté, un homme de pouvoir, député, qui peut encore compter sur ce qui lui reste de capital sympathie aux yeux de l’opinion. De l’autre, une femme anonyme, qui ne souhaite pas se soumettre à l’épreuve d’une parole publique dans la presse et s’est contentée pour l’heure d’envoyer un communiqué à l’AFP, avant la condamnation de l’homme avec lequel elle est en instance de divorce. Vraiment, on aurait aimé qu’un·e proche de Quatennens ou son avocat·e l’empêche de commettre cette nouvelle agression envers sa victime.