Le 15 octobre dernier, juste après le 100ème féminicide de l’année 2023, #NousToutes a organisé, à Paris, un collage géant pour rendre hommage aux 853 victimes de féminicides depuis le premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Mais la police a forcé les militantes à tout décoller. Le collectif féministe a alors envoyé une lettre à la mairie de Paris. Sans réponse à ce jour. Causette publie aujourd’hui cette lettre.
“Madame la Maire,
Dimanche soir 15 octobre 2023, une centaine de militant·es des comités parisiens du collectif #NousToutes ont collé sur un mur, rue de Chaligny dans le 12ème arrondissement de Paris, 853 petites affiches portant le prénom, l’âge et la date de décès de toutes les femmes victimes de féminicides depuis le début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron en mai 2017.
Nous avons organisé ce mémorial à l’occasion tragique du 100ème féminicide depuis le début de l’année, en l’absence de femmage public. C’était un rassemblement pacifique, un mémorial pour toutes ces femmes assassinées simplement parce qu’elles sont des femmes.
Dans le calme, nous avons allumé des bougies veilleuses, nous étions plusieurs à nous recueillir, des personnes de tous horizons.
Deux des personnes présentes dimanche soir rendaient femmage à leurs proches, dont l’une d’elle a été tuée en mars 2023, par son ex-conjoint, rue de Prague.
Nous allions partir quand 3 agent·es de police du commissariat de l’avenue Daumesnil nous ont demandé de retirer toutes ces affichettes.
Nous leur avons expliqué la raison de ce collage mais iels n’ont rien voulu entendre, nous ont obligé·es à retirer l’intégralité des collages et ont relevé l’identité de l’une des colleureuses.
Nous avons alors dû retirer de nos mains chaque affichette et voir ces 853 victimes encore une fois effacées ; certain·es d’entre nous pleuraient de rage de devoir faire ce geste symboliquement si abject.
Nous avons été pris·es d’un sentiment d’injustice.
Les agent·es de police sont resté·es derrière nous, à nous contrôler, jusqu’à ce que l’intégralité des affichettes soit enlevée. L’une d’entre nous a dû retirer le nom d’une personne qu’elle connaissait personnellement.
Ce qui s’est passé est une honte absolue, honte d’effacer encore une fois ces femmes, honte de faire taire les collectifs qui dénoncent ces violences, honte de cette humiliation, honte pour ces victimes que la police ni n’écoute, ni ne protège, ni ne respecte, même après leur mort.
Tous les 2 à 3 jours une nouvelle victime de féminicide est à déplorer. 20 % de ces femmes avaient alerté la police.
80 % des violences au sein du couple sont classées sans suite.
En 2021, 66 % des 3 500 répondantes à notre enquête #PrendsMaPlainte ont fait état d’une mauvaise prise en charge par les forces de l’ordre lorsqu’elles ont voulu porter plainte pour des violences conjugales, sexistes ou sexuelles.
Aussi, nous demandons de pouvoir rendre femmage à nos sœurs, mères, amies, sans peur, sans être menacé·es et sans devoir retirer de nos mains leurs noms.
Sans les faire disparaître encore une fois.
Nos actions sont d’utilité publique et ne devraient pas être clandestines.
Les événements de dimanche dernier semblent indiquer que les forces de l’ordre font preuve de davantage de zèle pour effacer les noms de celles qu’iels auraient dû protéger, qu’à recevoir correctement celles qui sont peut-être les futures victimes de ces crimes.
Nous ne demandons qu’à être rassuré·es sur la bonne volonté de votre mairie dans la lutte contre les violences de genre, et sommes disposé·es à en parler avec vous.
Bien cordialement,
Les membres des comités locaux #NousToutes Paris Nord et Sud”