decran 2024 01 17 a 13.22.21
Montage Causette © DR et © Site officiel Présidence de l’Ukraine / Wikimedia Commons

Macron, lâche-​nous l’utérus !

La confé­rence de presse lunaire du pré­sident de la République, mar­di 16 jan­vier, a pro­po­sé peu de solu­tions mais beau­coup de pres­sion sur les uté­rus de la nation. 

“Notre France sera aus­si plus forte par la relance de sa nata­li­té. Nous étions jusqu’à récem­ment un pays dont c’était la force,” décla­rait, mar­di soir, Emmanuel Macron lors de sa confé­rence de presse télé­vi­sée. Autrement dit, faites des gosses ! Le pré­sident n’a pas lési­né sur l’emploi d’un voca­bu­laire mar­tial mena­çant, par­lant même de “réar­me­ment démo­gra­phique”. Joli coup de pres­sion, sur­tout quand cette culpa­bi­li­sa­tion tient lieu de solu­tion à des pro­blèmes struc­tu­rels innom­brables et loin d’être réglés : manque de places en crèches, manque de soignant·es et d’enseignant·es, vio­lences gyné­co­lo­giques et obs­té­tri­cales, anxié­té cli­ma­tique… autant de fac­teurs sus­cep­tibles – à rai­son – de décou­ra­ger les femmes ou les couples de pro­créer. Surtout quand l’avenir radieux pro­mis aux enfants par le pré­sident se can­tonne à des uni­formes, un ser­vice natio­nal uni­ver­sel et l’apprentissage de La Marseillaise, on peut rai­son­na­ble­ment émettre quelques réti­cences. Notons qu’en sous-​texte, lorsque la puis­sance publique s’attaque au sujet de la nata­li­té, c’est tou­jours aux ventres des femmes qu’on demande d’œuvrer. Une vision essen­tia­li­sante qui nous réduit à notre fonc­tion procréative. 

Parmi les rares pro­po­si­tions pré­si­den­tielles, on retien­dra la pro­messe de s’attaquer au dos­sier de l’infertilité fémi­nine et mas­cu­line (encore un domaine où les inéga­li­tés de prise en charge sont criantes, comme nous le rap­pe­lait une andro­logue récem­ment). Le gou­ver­ne­ment s’y inté­resse tar­di­ve­ment, non pas par altruisme ou pour aider des indi­vi­dus en souf­france, mais à condi­tion que ce soit au ser­vice du repeu­ple­ment de la nation. Quant au rem­pla­ce­ment du congé paren­tal par un congé “de nais­sance”, annon­cé plus court et plus attrayant finan­ciè­re­ment, reste à voir quel mon­tant le ren­dra suf­fi­sam­ment attrac­tif pour que les pères s’y inté­ressent réel­le­ment et qu’il cesse de pré­ca­ri­ser les mères. 

Nationalisme rance

Et puisque le nou­veau gou­ver­ne­ment Macron 2.0 fait de l’œil à la droite, pour­quoi ne pas sim­ple­ment copier-​coller leurs élé­ments de lan­gage ? On se sou­vient, en effet, que lors des débats sur la réforme des retraites l’an der­nier, Bruno Retailleau (LR) sug­gé­rait de “témoi­gner aux mères de famille la recon­nais­sance de la nation”. Dans la même logique, la France de Macron, “plus forte par la relance de sa nata­li­té”, évoque une vieille crainte de la dépo­pu­la­tion et du déclin, bran­di comme un épou­van­tail après chaque guerre depuis le XIXe siècle.
Alors que le vote de la loi immi­gra­tion a acté la pré­fé­rence natio­nale en ce qui concerne le ver­se­ment des pres­ta­tions sociales, la pun­chline du pré­sident “pour que la France reste la France” res­semble à un nou­vel appel du pied aux électeur·rices iden­ti­taires. À l’heure où Le Figaro ou CNews s’inquiètent de la baisse de la fécon­di­té des femmes de natio­na­li­té fran­çaise, Macron embrasse ici dans le plus grand des calmes une vision natio­na­liste aux relents racia­listes.
Et pour­tant, rap­pe­lons qu’“il n’y a pas de déclin démo­gra­phique. En Europe, on est le pays le plus fécond et le plus jeune démo­gra­phi­que­ment,” nous assu­rait, il y a quelques mois encore (voir Causette #143, avril 2023), le démo­graphe Gilles Pison, pro­fes­seur émé­rite au Museum natio­nal d’histoire natu­relle et conseiller dela direc­tion de l’Ined. Pas de quoi s’affoler, donc. 

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