ÉDITO. La méthode commence à être rodée. Un homme est accusé par une, puis deux, puis dix, puis 17 (!) femmes de harcèlement, d’agressions sexuelles ou de viols et retourne les accusations contre elles en portant plainte en diffamation ou en dénonciation calomnieuse. C’est la réponse qu’a ainsi dégainée, deux jours avant la diffusion sur France 2 d’un documentaire l’accablant, Patrick Poivre d’Arvor à l’encontre de seize femmes qui l’accusent – il n’a pas eu le temps de le faire pour la dix-septième, tout juste déclarée.
Avant lui, il y a eu les précédents Éric Brion contre Sandra Muller (la créatrice du hashtag #BalanceTonPorc dans le sillage de #MeToo), ou encore Denis Baupin contre plusieurs femmes politiques EELV. Enjeu premier : laver sa réputation alors que la justice n’a pas pu se pencher sur les accusations portées par les femmes pour cause de prescription, en cherchant à les faire condamner pour ce qu’ils crient haut et fort être des mensonges. Enjeu secondaire : « Faire taire », observe Hélène Devynck, l’une des femmes qui accuse PPDA, auprès de Libération. Celles qui ont parlé et celles qui réfléchissaient à le faire, armées par le courage des autres.
Comme nous l’analysions déjà en 2020, cette tactique de contre-offensive judiciaire est similaire aux « procédures bâillons », ainsi qu’on les appelle, des multinationales qui intentent des procès aux journalistes ou aux lanceur·euses d’alerte qui dévoilent leurs méfaits. Mais attention, le procédé n’est pas sans risque : dans l’affaire Baupin comme dans l’affaire Brion, les deux plaignants ont fini par perdre leur procès en diffamation… Et l’audience a été l’occasion de revenir sur les faits dont on les avait accusés. Le procès intenté par Denis Baupin s’était ainsi transformé en un moment de justice que les victimes avaient saisi pour faire entendre leur vérité malgré la prescription.
Hélène Devynck ne s’y trompe pas, qui déclare à Libération : « Au-delà de l’étonnement, de l’épuisement qu’il y a à devoir encore une fois nous défendre, nous sommes contentes. Nous espérons toutes que l’action de PPDA aboutisse et nous offre enfin la possibilité d’un procès devant la justice, en dépit de la prescription. On ne demande que d’aller à la barre pour raconter ce qui nous est arrivé – viols, agressions sexuelles, harcèlement. » Au vu de la détermination dont font preuve ces dix-sept femmes, on se demande si PPDA n’est pas en train de se jeter dans la gueule du loup et aurait mieux fait de raser les murs en profitant de sa retraite.