Aux États-Unis, les cliniques pratiquant l’avortement sont assaillies par des manifestant·es anti-IVG. La réplique : des escouades de clinic escorts, groupe de bénévoles au service des patientes.
C’est une scène bien rodée qui se répète chaque samedi matin, à l’heure du brunch. Une cacophonie en stéréo attend les patientes de la clinique Choices Women’s Medical Center, au fin fond du Queens, communauté métissée à l’est de Manhattan. D’un côté, les exhortations de manifestant·es anti-IVG en guise de comité d’accueil, en face, des bénévoles missionné·es par la clinique pour entourer les femmes. Ces clinic escorts sont des témoins privilégié·es aux avant-postes de la guerre sans merci livrée aux Américaines. Une bataille pour l’accès à l’IVG qui se joue aussi dans la rue, à même le trottoir. À la vue de l’attroupement bruyant qui encadre la porte d’entrée, certaines patientes se détournent ou dissimulent leur visage. D’autres répliquent, voire insultent les manifestant·es. Lors de notre visite, très peu ont tourné les talons. L’activiste Merle Hoffman, 73 ans, fondatrice de la clinique, y voit une situation explosive : « Les patientes sont bouleversées et les escorts font face à des interactions souvent violentes. Nous travaillons dans une zone de guerre. Une réalité alternative. »
Ce tableau réactionnaire, volontiers associé à l’Amérique profonde, détonne à New York, bastion démocrate. « Il faut dissiper un malentendu sur New York, car bon nombre d’habitants installés dans les boroughs[quartiers périphériques, ndlr] depuis longtemps sont très religieux. En longeant quinze rues, on croise quinze églises », résume sur place une bénévole de 28 ans.
Lieu d’affrontements hebdomadaires, la clinique privée Choices emploie une centaine de salarié·es et reçoit chaque année quarante mille personnes en consultation gynécologique, suivi contraceptif ou interruption volontaire de grossesse. Le rendez-vous en gynécologie y est facturé 150 dollars et les avortements – jusqu’à 24 semaines, limite autorisée dans l’État de New York – 425 dollars.
Choices accueille principalement des femmes du quartier, en majorité latino- et afro-américaines. En raison de sa proximité avec l’aéroport JFK, on y trouve aussi des patientes venues d’autres États ne souhaitant pas être reconnues chez elles ou n’ayant pas accès à des soins. « C’est un crime contre les femmes et leurs libertés constitutionnelles. L’avortement est légal aux États-Unis,[…]