Coachs en séduction, mouvements incels, adeptes de la Red Pill… La journaliste Pauline Ferrari a enquêté sur l’influence des discours masculinistes. Une idéologie ultra-misogyne et violemment anti-féministe, qui infiltre massivement les réseaux sociaux et rallie de plus en plus de jeunes mecs à la haine des femmes.
Causette : Qu’est-ce qui vous a poussée à enquêter sur l’influence des masculinistes ?
Pauline Ferrari : Ça fait plusieurs années que je travaille sur les cultures web et les masculinistes. Mais en parallèle de ça, je fais aussi de l’éducation aux médias en collèges et lycées en Seine-Saint-Denis depuis trois ans. Et il y a eu comme un rapprochement entre ce que je pouvais lire sur des forums de masculinistes il y a une dizaine d’années, et ce que j’entendais dans la bouche des élèves. Depuis la sortie du confinement, ça devenait de plus en plus violent, de plus en plus décomplexé. C’est pour ça que j’ai voulu partir de ce prisme de la jeunesse et voir jusqu’à quel point ces discours masculinistes touchaient les ados – donc, potentiellement, les générations futures et les hommes d’aujourd’hui.
Comment avez-vous vu évoluer ces discours chez les adolescents ? Étaient-ils déjà présents il y a trois ans, quand vous avez commencé à intervenir en milieu scolaire ?
P. F. : Certains étaient déjà là, notamment sur les questions d’homosexualité, avec une homophobie très crasse et très décomplexée, parfois dans la provoc, du type : « moi, si mon fils il est gay, je le tue ». Ça, c’est des trucs que j’ai toujours entendus. Mais sur la question des relations avec les filles, j’ai vu une accélération de la misogynie poussée à son curseur le plus fort. Il y a encore trois ans, les ados n’osaient pas me dire « on déteste les meufs », comme je peux l’entendre aujourd’hui. L’année 2022 a été assez intense en termes d’actualité médiatique sur des questions de violences sexistes et sexuelles [procès Amber Head/Johnny Depp, affaire Benjamin Mendy, ndlr], avec des accusations visant des joueurs de foot, des rappeurs… Donc des célébrités bien connues des ados, qui sont parfois des modèles pour eux. J’ai la sensation que ça a accéléré cette réflexion masculiniste, qui est devenue très banalisée. Eux me le disent comme une vérité, comme une évidence : “bien sûr que les femmes mentent”, “bien évidemment qu’il y a beaucoup de fausses accusations de viol”, “bien sûr que toutes les femmes ont envie de piquer[…]