On en parle beaucoup, mais on en rencontre peu. Par chance, les hommes féministes sont au cœur du dernier livre du politologue canadien Francis Dupuis-Déri. Qui délivre, au passage, quelques conseils à l’usage de ceux qui voudraient passer (vraiment) à l’action.
Causette : S’il y a bien un sujet qui suscite débats, incrédulité, voire sarcasmes, c’est celui des hommes féministes, auquel vous consacrez aujourd’hui un livre. Pourquoi donc vous être embarqué dans cette galère ?
Francis Dupuis-Déri : En fait, j’avais déjà publié plusieurs textes sur cette question, dont le Petit Guide de disempowerment, qui se trouve à la fin du livre. Les Éditions Textuel m’ont proposé d’écrire un ouvrage sur cette thématique, en réunissant et en développant mes écrits. Et en faisant ça, j’ai réalisé que je m’étais fait piéger dans un effet de mode, parce qu’il y a beaucoup de livres qui sont récemment sortis sur cette thématique. Je pense que c’est un effet post-#MeToo, avec des hommes qui, heureusement, se sont sentis interpellés et se sont questionnés. Et puis il y a aussi un effet de mode médiatique : tous les trois ou quatre ans, on découvre les “nouveaux hommes” ! Mais des hommes proféministes qui ont écrit sur le féminisme, on l’a déjà vu dans les années 1970. Donc, plutôt qu’avoir une approche un peu “candide joyeuse”, j’ai essayé de réfléchir à ce sujet à partir des réflexions des féministes.
Dans cet essai, vous retracez brièvement une histoire mondiale des hommes féministes. Quels enseignements peut-on en tirer ?
F. D.-D. : J’ai voulu rappeler que les hommes proféministes ne sont pas une nouveauté. Au XVIIe siècle, en France, il y a eu François Poullain de la Barre. Mais aussi Qasim Amin en Égypte [à la fin du XIXe siècle, ndlr], le roi Amir Amanullah en Afghanistan [au début du XXe siècle] ou, dans la communauté afro-américaine, l’ancien esclave Frederick Douglass [au XIXe siècle] ou le premier sociologue afro-américain, William E. B. Du Bois. C’est aussi une façon de leur rendre hommage et de montrer que la position d’homme proféministe n’est pas nécessairement celle d’un étudiant blanc, de bonne famille, qui serait étudiant en sociologie à Paris 8 – pour caricaturer. On peut trouver des hommes proféministes dans n’importe quels contextes économiques, sociaux et culturels. Et déjà au XIXe et au XXe siècles, ça suscitait des discussions chez les féministes.