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Portrait de Constanza Jauregui Tama. © Capture écran youthassembly.org

Constanza Jauregui Tama : figure de la lutte contre les vio­lences sexistes et sexuelles en Équateur

Constanza Jauregui Tama, jeune équa­to­rienne de 22 ans, a fon­dé l’ONG fémi­niste Las Hijas de Pandora, qui, depuis 2020, four­nit un sou­tien psy­cho­lo­gique et juri­dique gra­tuit à plus de cinq mille sur­vi­vantes de vio­lences sexuelles en Équateur. Causette est allée à sa ren­contre lors dans son pas­sage à Paris, dans le cadre de l’initiative Féministes en action.

Constanza Jauregui Tama a gran­di à Cuenca, en Équateur, où les chiffres des vio­lences sexistes et sexuelles sont déplo­rables : qua­si­ment sept femmes sur dix en ont été vic­times au cours de leur vie. Elle-​même vic­time, la mili­tante nous raconte le par­cours qui l’a menée à s’engager auprès de mou­ve­ments fémi­nistes, puis à créer sa propre ONG. La jeune femme se sou­vient avoir eu un “déclic” pen­dant la pan­dé­mie, à la suite de la récep­tion d’un mes­sage de son agres­seur et de l’exacerbation des vio­lences faites aux femmes dans ce contexte par­ti­cu­lier. Elle décide alors de bri­ser le silence en racon­tant son agres­sion dans un post Instagram. Elle y dénonce au pas­sage le conser­va­tisme de Cuenca, le manque de recon­nais­sance de la gra­vi­té des vio­lences sexistes et sexuelles en Équateur et le silence qu’on impose aux vic­times. “Oui, un déclic. J’ai déci­dé de don­ner à la socié­té, à mes amis, mon propre témoignage.”

Le témoi­gnage de Constanza devient rapi­de­ment viral sur les réseaux sociaux, agis­sant comme un levier de libé­ra­tion de la parole d’autres femmes équa­to­riennes vic­times, qui décident de rendre leurs témoi­gnages publics à leur tour. Suite à cet effet boule de neige, la mili­tante raconte avoir reçu de nom­breux mes­sages, la remer­ciant de leur avoir “don­né de la force pour dire ce qu’elles ont vécu”. Des agres­seurs ou familles d’agresseurs, ont eux aus­si contac­té la jeune femme non pas pour la remer­cier mais pour la blâ­mer et lui dire qu’elle por­te­rait la res­pon­sa­bi­li­té si des hommes accu­sés se fai­saient “can­cel” à la suite de son témoi­gnage. Constanza raconte avoir tra­ver­sé cette épreuve seule, avec sa mère et ses sœurs, mais aus­si avoir trou­vé refuge dans les mou­ve­ments fémi­nistes auprès des­quels elle s’est sen­tie écou­tée et en sécu­ri­té. Elle décide alors de créer Las Hijas de Pandora : un grand réseau, exclu­si­ve­ment com­po­sé de femmes fémi­nistes de dif­fé­rentes pro­fes­sions, qui se sont don­né pour mis­sion d’accompagner juri­di­que­ment et psy­cho­lo­gi­que­ment les vic­times de vio­lences sexistes et sexuelles en Équateur. “Pour nous, c’est super impor­tant qu’elles [les membres de l’association, ndlr] se recon­naissent elles-​mêmes comme fémi­nistes pour tra­vailler avec nous”, expli­cite Constanza. En quarante-​huit heures, l’association reçoit soixante témoignages.

Une asso­cia­tion sur tous les fronts

Le pre­mier grand pro­jet de Las Hijas de Pandora reste donc l’alimentation d’un réseau d’avocates et de psy­cho­logues fémi­nistes pour accom­pa­gner les vic­times de vio­lences sexistes et sexuelles. Mais la jeune femme pleine d’ambition ne s’est pas arrê­tée là… elle se bat sur tous les fronts ! En effet, grâce au sou­tien finan­cier de l’initiative Spotlight de l’ONU Femmes et de l’Union euro­péenne, Las Hijas de Pandora a entre­pris un pro­jet nova­teur visant à sen­si­bi­li­ser sur la vio­lence de genre dans l’espace public. À tra­vers des manuels et des cam­pagnes de sen­si­bi­li­sa­tion, l’association a tra­vaillé en Équateur pour car­to­gra­phier de manière cri­tique les zones les plus dan­ge­reuses pour les femmes, tout en iden­ti­fiant les lieux sûrs où trou­ver refuge en cas de vio­lence. Une col­la­bo­ra­tion avec les auto­ri­tés locales a per­mis de dif­fu­ser ces res­sources essen­tielles dans les trans­ports publics, offrant aux femmes un accès facile à des outils de pré­ven­tion et de dénonciation.

En paral­lèle, en par­te­na­riat avec Féministes en action, l’association Las Hijas de Pandora s’est enga­gée dans un pro­jet d’éducation sexuelle et de pro­mo­tion des droits sexuels et repro­duc­tifs en Équateur. Ce pro­jet ambi­tieux vise à pré­ve­nir la vio­lence sexuelle sur les mineur·es et à mettre un terme aux gros­sesses pré­coces chez les jeunes filles, une pro­blé­ma­tique urgente en Équateur où le taux de gros­sesses chez les ado­les­centes est par­mi les plus éle­vés de la région. Ces gros­sesses sont sou­vent le résul­tat de vio­lences sexuelles, “une enfant, une petite fille de 11 ans, elle n’a pas déci­dé d’être enceinte”, explique Constanza.

Des pers­pec­tives prometteuses 

Nos fémi­nistes équa­to­riennes conti­nuent la bataille ! L’association aspire à garan­tir l’accès gra­tuit aux ser­vices de san­té sexuelle et repro­duc­tive, notam­ment en faci­li­tant l’obtention de vac­cins contre le papil­lo­ma­vi­rus, une démarche actuel­le­ment dif­fi­cile et coû­teuse danns ce pays. De plus, l’association s’efforce de pro­mou­voir une légis­la­tion pour une édu­ca­tion sexuelle com­plète non seule­ment en Équateur, mais dans toute l’Amérique latine ! Face à l’opposition des groupes anti­droits, qui béné­fi­cient de res­sources consi­dé­rables, la prio­ri­té de Constanza est de sou­te­nir les orga­ni­sa­tions fémi­nistes et les militant·es sur le terrain.

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