Dans un réjouissant ouvrage historique autant qu’intime, la femme de lettres et historienne Claudine Monteil retrace les vies de Marie, Irène et Ève Curie. Des femmes d’excellence qui n’eurent de cesse d’ouvrir la voie aux autres femmes bien au-delà du seul champ scientifique.
Il y a dans Marie Curie et ses filles, publié en mai chez Calmann-Lévy, la nécessité d’ancrer le destin de ces trois femmes dans notre mémoire collective. Certes, l’épopée de la brillante émigrée polonaise qui recevra en 1903 le Prix Nobel de physique avec son physicien de mari français, puis obtiendra, seule, après le décès de Pierre Curie en 1911 le Prix Nobel de chimie, est bien connue. Mais l’aura de la cheffe de la famille Curie n’a‑t-elle pas, bien malgré elle, éclipsé de l’Histoire les vies de ses deux filles, tout autant remarquables et singulières ? Celle d’Irène, elle-même Prix Nobel de chimie avec son mari Frédéric Joliot, mais avant cela infirmière sur le front de la Grande Guerre à 17 ans. Par la suite, infatigable féministe, Irène sera l’une des trois premières femmes appelées à intégrer un gouvernement français, celui de Léon Blum en 1936. Éclipsée également la vie de sa sœur cadette, Ève, infirmière durant la Seconde Guerre mondiale, résistante et femme de lettres de talent.
Claudine Monteil, elle-même autrice, historienne et féministe – elle est la plus jeune signataire du Manifeste des 343 en 1971 et a été proche de Simone de Beauvoir, sur laquelle elle a publié des ouvrages –, écrit ce livre dans le souci de « réhabiliter » les filles Curie. Mais il ne s’agit pas d’un simple travail d’historienne. La famille Monteil – père médaille Field et mère directrice de l’École normale supérieure de jeunes filles, où avaient enseigné Marie et Irène – a côtoyé la famille Joliot-Curie dans ce microcosme scientifique où l’émulation intellectuelle se mélange à l’amitié. Lorsqu’Irène faiblit sous l’effet des radiations, la mère de Claudine Monteil fait partie des proches qui l’accompagnent jusqu’à la fin de sa vie. Ce lien[…]