Il y a quelques semaines, Antoine et Pauline, fidèles lecteur·ices de Causette, nous ont envoyé l’édito d’un quotidien local où l’on apprend que porter une mini-jupe après 60 ans serait « ridicule » voire « pathétique ». Charmant.
« Voici un candidat pour le championnat de France de dégueulasserie. » Pauline et Antoine ont visé juste en nous envoyant fin mai une coupure du Petit journal de Tarn-et-Garonne. Le printemps et les premières chaleurs ont visiblement donné des idées à l’éditorialiste du quotidien qui s’est penché sur la question de la mini-jupe et plus particulièrement sur son usage après un certain âge. « Ce beau temps a bouleversé, du jour au lendemain, le choix vestimentaire de nos compagnes, de nos filles, voire de nos mères… ou de nos grands-mères », commence-t-il audacieusement. Vous aussi, vous voyez venir le glissement de terrain ?
« Notons que ce qui est charmant à quinze ou vingt ans devient le plus souvent ridicule ou pathétique après soixante ans, et même avant », poursuit l’auteur – qui n’a malheureusement pas signé son torchon – une phrase plus loin. Voilà, nous y sommes. Avec cette formule nauséabonde, nous venons de toucher l’acmé du sexisme et de l’âgisme. Selon lui, en vieillissant les femmes tomberaient dans les abîmes de la vulgarité en montrant leurs genoux. On lui dit que les femmes de 60 ans, et même avant, portent aussi des maillots de bain deux pièces ?
En roue libre et en totale décontraction, l’éditorialiste passe ensuite au crible la tenue de « Madame Météo [qui n’a donc pas de nom de famille, ndlr] de plusieurs fois vingt ans, dont les dimensions de la jupe sont plutôt celles d’un pagne ». Ledit monsieur se serait alors interrogé : « Le budget de l’audiovisuel a‑t-il été réduit au point d’obliger cette malheureuse à s’habiller quatre tailles au-dessous de la sienne ? » À cette question essentielle, il se serait entendu répondre que « c’était la mode ». Un argument selon lui « imparable qui oblige les grands-mères à s’habiller en fillettes ».
Non monsieur l’éditorialiste, il ne s’agit pas d’« une mode » mais simplement du droit à disposer librement de son corps et donc de pouvoir porter n’importe quel vêtement à n’importe quel âge. Et les grand-mères ne s’habillent pas en fillette. Elles s’habillent point. Reste que cet avis masculin n’est hélàs pas isolé. Mardi dernier, à l’occasion de la journée mondiale de la mini-jupe, nous faisions d’ailleurs le point sur ce bout de tissu inventé dans les années 60 et véritable emblème de l’émancipation des femmes.
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Si nombre de femmes de 40, 50 ans, et plus, portent fièrement la mini-jupe, elles sont plusieurs à avoir ainsi confié à Causette leurs craintes et interrogations à porter une jupe au-dessus des genoux passé la barre de la quarantaine. Des interrogations pas franchement aidées par ce genre d’opinion pas du tout demandée. Car c’est à cause de ce type de jugement que certaines n’osent plus raccourcir la jupe, par peur de faire « vulgaire » ou d’être taxée au mieux de « vieille qui veut faire jeune » au pire de cougar prête à tout pour séduire du jeunot.
L’éditorialiste du Petit journal de Tarn-et-Garonne ne s’est d’ailleurs pas simplement contenté de juger la taille des jupes des femmes de plus de 50 ans. Il s’est aussi permis de faire un parallèle puant entre leur taille et le comportement des hommes, car spoiler, c’est bien connu : une mini-jupe justifierait forcément le fait de se faire harceler ou agresser. « Prenez garde, mesdames, poursuit l’auteur d’un ton fleurant bon le paternalisme des années 50. Les signaux émis par votre manière de vous vêtir peuvent être mal interprétés par des hommes un peu simples. Les rues et les endroits publics restent le terrain de chasse de vos éternels prédateurs. » Merci Jean-Michel Conseils de nous rappeler que la culture du viol existe toujours en 2023.
Cette coupure de presse m’a fait penser que, pas plus tard que vendredi dernier, alors que je prenais un bain de soleil au jardin des Tuileries à Paris, un homme d’environ 50 ans se dorait aussi la pilule, mais torse-nu. Mais à la différence de nos mères ou de nos grand-mères, pas sûr qu’il tombera un jour sur un édito lui intimant l’ordre de devoir se rhabiller.