Télétravail à côté des marmots, tâches ménagères, avenir de l’humanité… les hommes en ont gros sur la patate, d’après un nouvel article du Figaro consacré à la charge mentale des pères de famille, “ce sujet tabou dont on ne parle qu’en coulisses”. De quoi s’étouffer dans sa liste de courses.
Ça faisait un bail qu’on avait pas ri comme ça. À moins qu’il faille en pleurer ? Le Figaro consacrait hier un article à la charge mentale des pères de famille (oui oui, les mêmes pères de famille incapables de violences ou de comportements misogynes, selon la croyance populaire, lol). Un texte éclairé, dépourvu de toutes statistiques ou témoignages des compagnes de cesdits hommes des temps modernes, submergés par la montagne de corvées qui leur tombe de nulle part sur les bras. Décidément, on verserait bien une petite larme.
Chérie, j’ai des gosses
“Je dois gérer des choses dont je ne m’occupais pas”, confie au Figaro Guillaume (c’est un prénom d’emprunt, comme usuellement en cas de témoignages douloureux où il s’agit de poser des mots sur des maux), “cadre dans un grand groupe français et père de trois jeunes enfants” qui a visiblement fait la découverte effroyable de l’existence de ces trois marmots pendant le confinement. Comprenez, avant l’avènement du télétravail dû à la crise sanitaire, il était facile de passer outre les besoins et sollicitations de ces jeunes pousses dont on ne savait pas grand-chose. “Le confinement a totalement détruit la frontière – qui était déjà bien abîmée – entre la vie professionnelle et la vie personnelle”, explique Quentin Périnel, auteur de l’article. Peu importe qu’il en ait toujours été ainsi pour les mères, dont 83 % se lèvent encore plus souvent la nuit que leur conjoint quand leur enfant pleure et se rendent quand même au travail le lendemain.
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Dur dur, donc, de se découvrir père du jour au lendemain, telle une femme en déni de grossesse qui accouche dans ses toilettes. D’autant plus lorsqu’on sait que “les pères sont soumis à de plus en plus d’injonctions d’être ‘de bons parents’”, affirme Rose Olive de Chérisey, psychologue interrogée par le Figaro, qui constate quand même “encore une plus forte prise en charge du foyer par les mères”. Le constat est néanmoins sans appel : envolée, l’époque glorieuse de l’insouciance où les hommes pouvaient se contenter d’aller jouer au golf, boire des coups et être des parents médiocres. La tendance est à la reconnaissance de ses responsabilités.
“Faiblesse émotionnelle”
Plus injuste encore, reprend le journaliste du Fig, “certains pères manifestent ce besoin d’être reconnus, non plus comme ‘de grands enfants’ venant mettre en difficulté l’équilibre de leur conjointe… mais également porteur de la charge puisqu’ils se sentent tout aussi investis et présents dans la gestion de la vie quotidienne”. OK, les femmes passent en moyenne chaque jour 3 heures aux tâches domestiques quand les hommes y consacrent 1 h 45, les mères 1 h 35 aux tâches parentales, les pères 41 minutes – d’après l’Observatoire des inégalités – mais une petite médaille, une tape sur l’épaule, un “bravo bonhomme” pour ces 2 heures de dévouement familial, serait-ce tant demander ?
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Désormais, “la femme n’étant plus assignée d’office aux tâches domestiques et le père en pourvoyeur des revenus… les tâches et missions de la famille sont totalement aléatoires et rebattues“, nous explique Quentin Périnel, merci les féministes qui ont foutu le bordel dans une répartition des rôles genrés, qui rendait tout de même les choses moins prise de tête.
Déboussolés et surchargés, les hommes modernes se traînent une souffrance indicible. Le sujet de la charge mentale masculine reste en effet “encore tabou pour les pères qui peuvent y associer une faiblesse émotionnelle, une incapacité de faire face”, poursuit le journaliste. Voilà en plus qu’il faudrait admettre que les responsabilités qui pèsent sur les femmes depuis la nuit des temps sont bien réelles et s’apparentent à du labeur gratuit et ingrat. Un aveu qui menacerait par la même occasion toute la rhétorique d’un système de domination savamment élaboré depuis tant d’années. C’est le pompon !
“Sauver la France”
Qu’on se rassure, si les hommes se sentent un peu débordés, ce n’est pas parce qu’ils sont faibles, mais parce qu’ils sont investis de davantage de missions, grands bafoués qu’ils sont de la redistribution moderne des rôles jadis genrés. “Je m’auto-persuade que je dois à la fois sauver la France, m’occuper des enfants, faire toutes les tâches ménagères ou presque, gagner de l’argent. J’ai conscience que c’est too much mais je pense que c’est aussi l’époque qui veut ça”, déplore ainsi Guillaume. “J’ai le sentiment que c’est moderne et que c’est le sens de l’Histoire”, abonde encore Charles, qui dit souhaiter “mettre les mains dans le cambouis”.
Optimiste face à l’adversité, Quentin Périnel conclut quand même par une phrase digne d’un bouquin de développement personnel en solde dans un aéroport : ces évolutions de la société s’apparentent selon lui à “un véritable chantier familial où tout devient possible”. Dans cette nouvelle configuration, libre à chacun·e de réinventer la dynamique domestique. Comme des cruches, on n’y avait pas pensé. Heureusement que le Figaro et les hommes sont là.