En 2024, avoir une peau de bébé ne suffit plus. Pour se débarrasser de l’acné du nourrisson et autres croûtes de lait disgracieuses, les serum moms sont prêtes à dépenser des fortunes en produits de beauté pour leur nouveau-né.
Dans la vie, il y a des indispensables : un toit au-dessus de la tête, des repas sains et équilibrés, l’occasionnelle soirée de débauche, des relations affectives épanouissantes… et des crèmes anti-âge pour bébés. Sur Internet, les serum moms – “mamans sérum” en français – arborent des listes de naissance qui ressemblent plus à un panier Sephora qu’à une razzia chez Orchestra. “La serum mom est obsédée par le respect d’une certaine norme de beauté et nourrit la même obsession chez ses enfants”, écrit la journaliste Jessica Defino dans un article pour le Guardian consacré à cette nouvelle tendance. En l’occurrence, ces mères vouent un culte à la peau lisse, dénuée d’aspérités, comme celle obtenue grâce à des filtres sur les réseaux sociaux. Les bébés, jusqu’ici épargnés, se retrouvent ainsi à leur tour entraînés dans une routine beauté digne de Kim K.
Eau parfumée
Vous reprendrez bien un peu de lait corps hydratant bébé Dior à 105 euros la bouteille ? À moins que vous ne préfériez opter pour les crèmes pour enfants de la marque vegan Drunk Elephant ? Ou encore la crème visage infusée d’huile de jojoba et d’amande douce spéciale morveux·euses de la marque de la “papesse du skincare”, Barbara Sturm ? Les réseaux sociaux regorgent aujourd’hui de produits et de tutos pour tartiner les bébés dont l’épiderme, cela va sans dire, se passerait très bien d’une “eau parfumée” aux notes de poire, d’églantine et de musc blanc à 255 euros.
Lire aussi I Pour Guerlain, le marketing “quantique” ne passe pas crème
Comme le rappelle la dermatologiste Sandy Skotnicki – citée par The Guardian – dans son livre Beyond Soap (2018) : “Nous donnons trop de bains, nous frottons trop, nous savonnons trop” les enfants. Elle cite en ce sens des recherches révélant que l’application quotidienne de savon et d’autres produits de soin de la peau dans la petite enfance et l’enfance est “maintenant considérée comme ayant contribué à la forte augmentation des cas d’eczéma, d’asthme et de rhume des foins”. Contre toute attente, l’huile de jojoba ne serait donc en réalité pas plus recommandable qu’un bon gros poutou de grand-père avec sa barbe imbibée de dentifrice séché et de poils de chien sur les joues d’un bébé à la peau immaculée et fragile.
#babyfacials et #sephorakids
Ce délire se retrouve donc, sur TikTok, sous le hashtag #babyfacial où des parents affichent même des journées mini-spa orchestrées pour leur bambin. Une nouvelle façon de consommer et une nouvelle obsession esthétique à ajouter au panel des insécurités à entretenir dès le plus jeune âge. Rappelons qu’avant les “serum moms”, il y avait déjà les “almond moms”, ces mères très impliquées dans le régime alimentaire et le poids de leur (très) jeune fille. Ici, la peau lisse ne fait que remplacer le dictat de la maigreur.
Les enfants et préados sont par ailleurs de plus en plus rapidement exposé·es aux normes de beauté relayées sur les réseaux sociaux. Les rayons des magasins de cosmétiques sont assaillis par ce qu’on appelle désormais des #sephorakids et l’influence d’enfants comme North West –la fille de 10 ans de Kim Kardashian – aux routines beauté à rallonge finissent d’imposer une obsession précoce pour l’apparence physique. Les marques de produits de beauté l’ont bien compris, et ciblent aujourd’hui ces (pré-)adolescent·es. Pour preuve, aux États-Unis, ces dernier·ères citent désormais leur peau comme principale source d’image corporelle négative – devant leur poids –, selon un sondage américain sur la santé des enfants réalisé par le CS Mott Children’s Hospital. Au secouuurrrrsssss !!!