Selon des chiffres du ministère de la Justice, les procédures pour agression sexuelle ou viol sur conjoint·e ont connu une hausse de 164 %, passant de 1 377 personnes poursuivies en 2017 à 3 641 en 2022. Une augmentation en cinq ans qui correspond à l’éclosion du mouvement #MeToo en France.
La hausse régulière des procédures pour agression sexuelle ou viol sur conjoint·e ne traduit pas tant une multiplication de faits qu’une progression des signalements et un renforcement de la lutte contre les violences sexuelles, analyse Ernestine Ronai, présidente de l’Observatoire des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis. Cette augmentation des poursuites s’apparenterait donc davantage à une prise de conscience, alors que les agressions sexuelles et viols sur conjoint·es ont longtemps été perçus comme inconcevables du fait de la notion de “devoir conjugal”. Depuis 1990, le viol par conjoint est reconnu par la jurisprudence criminelle et constitue une circonstance aggravante passible de 20 ans de prison, contre 15 pour un viol “classique”, depuis une loi de 2006.
“Il faut former les policiers et magistrats au fait que les viols conjugaux sont quand même très répandus, mais il faut savoir où trouver les éléments de preuve”, rappelle Ernestine Ronai, féministe militante. Depuis les nombreux appels à prendre position sur la question des violences conjugales de 2019, les commissariats présentent désormais un questionnaire détaillé aux personnes venant porter plainte pour violences conjugales, où l’on retrouve notamment une entrée portant sur l’existence de relations sexuelles contraintes au sein du couple. Les parquets ont également davantage tendance à engager des poursuites dans les affaires de violences sexuelles sur conjoint·e. Ainsi, 1 051 informations judiciaires ont été ouvertes en 2022, contre 485 en 2017. Une progression de 116 %. En 2022, 464 personnes ont été poursuivies devant le tribunal correctionnel pour agression sexuelle sur conjoint·e, soit 136 % de plus que les 197 prévenus de 2017.
Les condamnations connaissent elles aussi une hausse. 298 justiciables ont été condamnés en 2022 pour des faits d’agression sexuelle, contre 205 en 2017. Une progression de 45 %. Quant aux condamnations pour viol conjugal – un crime jugé en cour criminelle ou cour d’assises –, elles ont de leur côté augmenté de 130 % en cinq ans, de 54 condamnations en 2017 à 123 en 2022. Des chiffres qui démontrent également le peu de plaintes, de prises en charge et de condamnations d’avant #MeToo. “On sent une petite tendance”, commente un magistrat, mais “on reste encore sur des petits chiffres, qui sont sans rapport avec le nombre de viols conjugaux commis”.