Info Causette. Commandé en 2018 par la préfecture de police au centre Hubertine Auclert, le rapport sur l’accueil des femmes victimes de violences dans les commissariats de Paris et sa petite couronne ne sera pas rendu public, selon le souhait de la préfecture.
C’est un outil précieux d’évaluation du travail des fonctionnaires de police et de gendarmerie au moment où le mouvement #DoublePeine dénonce la mauvaise prise en charge des femmes victimes de violences par les forces de l’ordre. Le rapport « sur l’accueil des femmes victimes de violences conjugales et/ou sexuelles dans les commissariats de Paris et sa petite couronne », commandé en 2018 par la préfecture de police au centre Hubertine Auclert, ne sera pas rendu public. C’est en tout cas les informations que Causette a pu recueillir auprès de la préfecture de police, alors que le rapport réalisé par le centre francilien pour l’égalité femmes-hommes est finalisé depuis juin 2019.
L’information n’avait, jusque là, jamais été clairement énoncée par la préfecture de police, malgré les demandes répétées de l’élue EELV au Conseil de Paris Raphaëlle Rémy-Leleu. En 2018, Raphaëlle Rémy-Leleu siège au conseil d’administration du centre Hubertine Auclert en tant que porte-parole de l’association Osez le féminisme et assiste à la commande de ce rapport. « L’enjeu était de réaliser un état des lieux de la prise en charge des victimes, avant de conseiller les services de police en terme de pistes d’amélioration possibles », se souvient-elle. Une subvention de 18 000 euros est accordée par le fonds interministériel de prévention de la délinquance pour financer l’étude, dont on sait qu’elle se réalise sur le terrain dans plusieurs commissariats et gendarmeries de Paris et de la petite couronne. En juin 2019, le rapport est sur pieds et est présenté à la préfecture. Depuis, « il est sous embargo », souffle-t-on chez Hubertine Auclert. Mais pourquoi tant de secret ?
Didier Lallement évite la question en Conseil de Paris
La question taraude Raphaëlle Rémy-Leleu qui, élue conseillère de Paris centre en 2020, ne cesse de demander la publication de ce rapport. Le 17 novembre dernier, à l’occasion de la séance mensuelle du Conseil de Paris, elle pose la question directement à Didier Lallement, préfet de police de Paris. « Vous refusez de publier cette étude, observe-t-elle. Elle est pourtant indispensable pour agir avec méthode, protéger les victimes et assurer aux personnels de police et de gendarmerie que leur travail est pris au sérieux, que le lien de confiance avec la population fait partie inhérente de leur métier, et que vous entendez leur mal-être quand elles et ils n’ont pas les moyens d’accomplir correctement leur mission. […] Quand comptez-vous publier le rapport ? » Didier Lallement ne répondra pas à la question, comme vous pouvez le voir sur cette vidéo, à partir de 6h30, préférant, dans un exercice de mansplaining de haute volée, rappeler à l’élue que les services de gendarmerie (également concernés par le rapport) ne sont pas de sa compétence avant de vanter le travail réalisé par ses équipes.
Un rapport “à la manière d’un audit interne”, répond finalement la préfecture
Causette a contacté la préfecture de police pour obtenir des réponses. « Il n’a jamais été question de rendre ce rapport public, nous explique le service communication. La volonté de la préfecture de police est de s’améliorer sur la prise en charge des victimes, mais ce rapport était destiné à un usage interne, à la manière d’un audit interne dans une entreprise. Pour nous, cela a toujours été très clair. » Ces explications font bondir Raphaëlle Rémy-Leleu. « Cela n’a jamais été conditionné ainsi et c’est la première fois que cet argument est évoqué, réagit-elle. Le centre Hubertine Auclert réalise de nombreux rapports fruits du travail d’expertes et experts, qui sont publics. Celui-ci est particulièrement d’intérêt général. Et pourquoi la préfecture répond-elle aux journalistes et pas aux élues ? »
Du côté du centre Hubertine Auclert, on acte de la réponse de la préfecture, soulevant qu’en tant que prestataire, on ne peut pas s’opposer à la volonté du commanditaire de l’étude. L’institution rattachée à la Région préfère aller de l’avant et souligner le travail de formation aux forces de l’ordre d’Île-de-France pour l’accueil des femmes victimes qu’elle coordonne, via une enveloppe de 200 000 euros accordée par le Conseil régional. « 64 sessions de formations réalisées, d’une durée d’une ou deux journées selon les 17 associations qui les procurent, avec des groupes de 8 à 15 personnes et au moins autant de sessions sont prévues pour 2022 », détaille le centre.
Causette a demandé des éléments sur les résultats de ce rapport (chiffres clef, conclusion, perspectives d’amélioration), qui ne lui seront pas donnés. Face aux mystères de la préfecture de police quant au contenu de cette étude, Raphaëlle Rémy-Leleu entend déposer un recours devant la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada) pour y avoir accès.
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