La déconjugalisation de l’AAH, l’augmentation des prestations sociales et des pensions, la hausse des loyers plafonnée et un amendement iconoclaste signé EELV pour recycler en carburant l’huile de friture. Voilà les bonnes nouvelles issues du vote du projet de loi « d’urgence » pour le pouvoir d’achat. Avec une grande faille : plutôt que de revaloriser les salaires en augmentant le Smic, la majorité préfère encore et toujours des « primes Macron » sentant bon le libéralisme.
ÉDITO. « Qui a déjà touché 800 ou 900 euros par mois ici ? Personne. » Mercredi 20 juillet, alors que depuis lundi, l’Assemblée nationale débat du projet de loi « d’urgence » pour le pouvoir d’achat, la députée insoumise Rachel Keke, devenue figure de la lutte victorieuse des femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolle, en agace plus d’un·e dans les rangs de la majorité. « Par mois ! Je ne vous ai pas dit par jour ! » insiste-t-elle, puisqu’elle a fait mouche, avant d’enfoncer le clou : « Vous méprisez les métiers essentiels, ceux qui servent la France. »
Finalement voté dans la matinée du vendredi 22 juillet à 341 voix pour, 116 contre et 21 abstentions, le texte de loi semble ne pas répondre à « l’urgence » dont il était l’objet et les raisons de se réjouir sont minces. Certes, l’Allocation adultes handicapés est déconjugalisée… Mais il faudra attendre octobre 2023 pour en sentir les effets. Certes, les pensions et les prestations sociales (RSA, bourses scolaires…) sont revalorisées… Mais de 4% alors que les prévisions concernant l’inflation tablent sur une hausse du coût de la vie de 5,5%. Certes, le gouvernement a soutenu et fait passer un amendement iconoclaste du chef de file EELV Julien Bayou, qui légalise l’utilisation comme carburant des huiles de friture et répond ainsi à un enjeu écologique… Mais « en même temps », les député·es ont voté un recours accru aux énergies fossiles pour tenter de parer à la guerre énergétique menée par Vladimir Poutine. Ainsi, la tout juste fermée – en mars – centrale à charbon de Saint-Avold en Moselle est autorisée à redémarrer l’hiver prochain et la porte au gaz de schiste américain apparaît grand ouverte à l’issue de ce vote en première lecture.
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Surtout, c’est la logique libérale qui semble avoir gagné : plutôt que de revaloriser le Smic à 1 500 euros net comme le demandait la Nupes (Nouvelle union populaire écologique et sociale), la majorité relative a signé – avec le soutien des Républicains et du Rassemblement national – pour le triplement du plafond des « primes Macron », apparues en 2018 en réponse aux revendications des Gilets jaunes. Concrètement, les employeur·euses pourront verser jusqu’au 31 décembre 2023 une prime exceptionnelle d’un montant maximal de 3 000 euros (ou 6 000 euros, en cas d’accord d’intéressement), exonérée d’impôt sur le revenu et de cotisations et contributions sociales pour les salarié·es dont le revenu équivaut à moins de trois fois la valeur du smic. Des primes temporaires, à aller arracher auprès de son ou sa patron·ne, donc.
Le périple de cette loi n’est pas fini : après le vote de son premier volet, les député·es ont attaqué l’examen du deuxième, c’est-à-dire la loi de finances rectificatives permettant de financer ces mesures. Au programme : taxation des superprofits, suppression de la redevance audiovisuelle et prix du carburant. On ne demande que d’être agréablement surprises par un sursaut de mesures réellement sociales.