Une stratégie de diversion aux relents populistes, signant l’échec du président de la République à ramener à soi les antivax.
ÉDITO
C’est probablement la bonne occasion de vous parler de la queue du chien d’Alcibiade, homme d’Etat et général athénien, 5 siècles avant JiCé. C’est l’helléniste Jacqueline de Romilly qui raconta cette anecdote dans un ouvrage de 1995. « Alcibiade possédait un chien de grande valeur et lui coupa la queue qu’il avait fort belle. Stupeur et réprobation ! Mais il est ravi : “C’est justement ce que je veux”, dit-il. “Je veux que les Athéniens bavardent à ce sujet”. »
Plutôt que de parler, au choix, du très probable retour des néonicotinoïdes tueurs d’abeilles dans nos champs de betteraves, du recours accru de nos centrales à charbon pour passer l’hiver, des féminicides, déjà au nombre de trois ce début janvier, ou encore des faibles sanctions données aux policiers qui ont (mal) géré l’affaire Chahinez Daoud, voilà que depuis mardi nous ne parlons plus que des propos du président de la République qui, donc, a « très envie » d’« emmerder les non-vaccinés ».
Une stratégie de diversion aux relents populistes – bien que l’intégralité de la citation du président soit moins violente que l’extrait qui marque les esprits depuis le 4 janvier – qui donne le ton de la future campagne du président. Le nivellement par le bas et le mépris de l’expression présidentielle (peut-être commencé avec le « Casse-toi, pauv’ con ! » de Sarkozy en 2008) pose une question : si Emmanuel Macron n’a plus que cela à répondre aux antivax, n’est-ce pas un sacré aveux d’échec ?
Evidemment, la petite phrase sert à radicaliser, du côté des militant·es LREM comme du côté des non-vacciné·es, ou, de façon plus large du côté de celles et ceux qui, bien que vacciné·es s’opposent au pass vaccinal au nom des libertés publiques. Cette politique de la terre brûlée, risquée, est menée par un président assez confiant dans le devenir de sa réélection, dans un contexte où la gauche est désunie.
Pas plus tard qu’à la mi-décembre, il nous avait pourtant promis avoir « appris » de ses erreurs au sujet des mots « blessants » qu’il avait déjà pu prononcer envers ses concitoyen·nes. La queue coupée du chien, c’est le cochon qui s’en dédit.
Ps : On n’a pas fait exprès mais après quelques recherches sur l’anecdote de la queue du chien d’Alcibiade, on s’est rendu compte que Françoise Fressoz en parlait déjà dans un éditorial du Monde en 2010 au sujet des gesticulations de Nicolas Sarkozy.