À l’approche du 8 mars, la Fondation des femmes a inauguré, le 26 février à Paris, son train pour l’Égalité. Il sillonnera neuf grandes villes en France durant dix jours pour sensibiliser les Français·es sur les droits des femmes et les enjeux de l’égalité femmes-hommes pendant la campagne présidentielle. Reportage.
Il flotte, à Paris, comme un air de vacances dans l’immense hall de la gare de Lyon. Les colonies d’enfants rappellent que la zone C vient d’entamer, en ce 26 février, sa deuxième semaine de congés. Dans la gare bondée, des grappes de curieux·ieuses s’agglutinent devant la voie M du quai. Interloqué·es par la présence d’une vieille locomotive violette qui détonne parmi les rutilants TGV en partance pour Milan, Grenoble ou Marseille.
Et pour cause, dans ce « Train pour l’Égalité » de la Fondation des femmes – inauguré le matin même – pas de place assise et par extension… pas de passager·ères. Mais des visiteur·euses, qui découvrent à bord de ce « train expo » affrété par la SNCF, une exposition destinée à sensibiliser aux grands enjeux de l’égalité femmes-hommes. Une exposition itinérante puisque le Train pour l’Égalité sillonne la France jusqu’au 7 mars prochain. Au programme des dix jours : Nantes ce 27 février puis Bordeaux, Toulouse, Marseille, Grenoble, Lyon, Strasbourg et Lille.
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Parcourir neuf villes et huit régions est une manière pour la présidente et fondatrice de la Fondation des femmes, Anne-Cécile Mailfert, de « mobiliser les Français sur tout le territoire » à l’approche du 8 mars. Avec l’objectif de « mettre les droits des femmes au cœur de la campagne électorale » en promouvant dix mesures rassemblées dans un « Pacte d’urgence pour l’égalité ». Le candidat PCF Fabien Roussel a d’ailleurs prévu de monter à bord le 6 mars à Lille, annonce Anne-Cécile Mailfert. « On espère que d’autres viendront aussi », glisse-t-elle à Causette.
À Paris, les visiteur·euses sont accueilli·es et guidé·es à bord par des bénévoles de la Fondation des femmes et des associations partenaires. Moquette rose, jaune ou bleue au sol, panneaux en bois recyclé sur les murs et néons fluos, l’ambiance est plutôt colorée. Ce qui tranche avec le sérieux des sujets abordés. Les six voitures du train sont en effet consacrées à l’accès à la santé et aux droits sexuels et reproductifs, à la lutte contre les violences faites aux femmes ou encore à l’accès à l’emploi et à l’égalité professionnelle. Une formation pour apprendre à réagir contre le harcèlement de rue est également disponible tandis qu’un espace de conférences a également été prévu en queue de train. « Trente associations tiendront des conférences sur les dix jours, précise une bénévole. Ça représente le féminisme dans toute sa diversité. »
Représenter l’espoir
« J’avais peur que l’exposition soit froide, confie Christelle, 57 ans, qui s’est déplacée avec son mari. Mais ce n’est pas du tout le cas, au contraire. Les couleurs sont chaleureuses et les bénévoles sont bienveillants, on se sent à l’aise. » C’était d’ailleurs l’un des souhaits de la Fondation des femmes. « On parle de sujets extrêmement durs mais l’égalité, c’est un combat plein d’espoirs et ce train coloré représente cet espoir », souligne Anne-Cécile Mailfert. Dans chaque wagon, qu’on se connaisse ou non, les mains se serrent, les épaules se touchent et l’on devine de grands sourires derrière chaque masque.
Il a fallu six mois à la Fondation des femmes, soutenue par le gouvernement et des mécènes, pour concevoir et organiser le train pour l’Égalité. Le premier en la matière. « Le train est un outil complètement nouveau pour le féminisme, indique la présidente. C’est un objet en mouvement, qui fait du bruit et qui prend de la place. Et c’est ce dont le féminisme a besoin en ce moment : aller de l’avant, faire du bruit et prendre l’espace. » D’ailleurs, un applaudimètre est installé dans l’une des voitures pour « faire du bruit contre les violences faites aux femmes ».
Ludique et pédagogique
L’exposition du train pour l’Égalité se veut ludique. Dans le premier wagon, consacré à l’accès à la santé sexuelle et reproductive animé par le planning familial, les visiteur·euses peuvent ainsi se mettre dans la peau de Simone Veil lors de son historique discours en faveur de l’IVG à l’Assemblée nationale le 26 novembre 1974. Tandis qu’un peu plus loin, une petite sculpture en 3D d’un sexe féminin attire l’œil. « On a bien fait de l’installer, tout à l’heure, un petit garçon a demandé à sa mère ce que c’était », se félicite une membre du Planning Familial.
La voiture suivante est consacrée aux violences faites aux femmes. Elle est organisée par la Fédération nationale des centres d’information sur les droits des femmes et des familles (FNCIDFF). Dès l’entrée, une ardoise rappelle que nous en sommes, ce 26 février, à 19 féminicides en France (selon le comptage réalisé par le collectif Nous Toutes). Sur les murs, des panneaux expliquent ce qu’est le patriarcat, le continuum des violences ou encore le mécanisme des violences conjugales. « Tous les visiteurs s’arrêtent pour lire les définitions, assure Nora Husson, membre du FNCIDFF. C’est important de définir le vocabulaire que l’on emploie. Ces notions font partie intégrante du langage féministe, mais elles ne sont pas forcément comprises par tous. »
Toucher le plus grand monde
Dans le public, on croise le médecin Gilles Lazimi, qui a fait de la lutte contre les violences faites aux femmes son cheval de bataille. « C’est une exposition vraiment importante pour les néophytes de ces sujets, assure-t-il à Causette. Ça permet de toucher le plus grand monde. » Dans les wagons en effet, des femmes, des hommes et des enfants de tout âge. Certain·es trainent des valises, d’autres sont venu·es exprès pour l’occasion. Et partout, des bénévoles de la Fondation en chasuble violet sont présentes pour les orienter. Sur cette première journée, la Fondation des femmes atteste avoir reçu près de 2 000 visiteur·euses.
Derrière le docteur Lazimi, de grands rideaux jaune clair attirent notre attention. C’est un espace d’écoute et de parole mis en place dans chaque wagon. « Ce matin, plusieurs femmes nous ont confié être victimes de violences conjugales, souligne Nora Husson. On les oriente en leur donnant des adresses et des contacts. » Dans chaque ville étape, des brochures sur les CIDFF locaux seront présentes.
Concrétiser le sexisme au travail
En avançant un peu, nous parvenons dans le wagon consacré au sexisme dans l’emploi et à l’égalité professionnelle. Les visiteur·euses sont invité·es à coller une pastille sur de grands panneaux noirs s’il leur est déjà arrivé dans le cadre du travail, de se faire couper la parole, de subir des réflexions sur leur tenue vestimentaire, de faire semblant de rire à une blague salace, de subir des contacts inappropriés ou de pleurer. Entre nos deux passages, ces panneaux se sont considérablement remplis. Deux jeunes femmes viennent d’ailleurs d’apposer une gommette verte signifiant qu’elles ont déjà subi des réflexions sur leurs tenues vestimentaires. « On a été victimes de harcèlement et de sexisme au travail, témoignent de concert Émeline et Lucie, 26 ans. C’est bien de pouvoir le visibiliser de cette manière, on se sent moins seules. »
Seulement dix membres de la Fondation des femmes suivront l’aventure en dormant à bord. « On est surexcitées, c’est un peu une colonie de vacances féministe », s’exclame Floriane Volt, directrice des affaires publiques et juridiques de la Fondation. Il est l’heure pour nous de descendre du train. Sur le parvis de la gare de Lyon, les bénévoles en chasuble violet, continuent d’accoster les passant·es tandis que, déjà, le Train pour l’Égalité accueille ses dernier·ières passager·ères pour la journée.
Ne ratez pas le train pour l’Égalité
Le train ne prendra pas de voyageur·euses entre chaque escale mais sera accessible à tous et toutes dans chaque ville, de 14h à 18H30 – la matinée étant réservée aux collégien·es et aux lycéen·es. Le pass sanitaire est obligatoire. Retrouvez les voies et le programme des conférences pour chaque ville sur le site de la Fondation des femmes.