Avec Elle a fait un bébé toute seule, Goldman a fait entrer les mères seules par choix dans la culture populaire. Et on l’en remercie bien. Mais, pour adapter son morceau à 2021, voici notre contribution et celle de femmes qui l’ont vraiment fait.
Cher Jean-Jacques, franchement chapeau ! Fallait oser, en 1987. À l’époque, l’Insee ne comptabilisait même pas les divorces et l’on venait seulement de proclamer « l’égalité des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs ». Alors, écrire une chanson sur une femme qui décide de devenir mère toute seule parce qu’elle l’a décidé, c’était couillu ! Oui, oui, on parle bien d’Elle a fait un bébé toute seule, cette fameuse ritournelle qui, aujourd’hui encore, passe environ six fois par jour sur Chérie FM et dont la France entière connaît les paroles par cœur. Est-ce un mal ? Pas forcément.
Car, mine de rien, t’as fait entrer la figure encore taboue des mères célibataires dans la culture populaire, Jean-Jacques. Et tu l’as même rendue cool. Et, pour ça, on te dit merci. En plus, t’étais pas à côté de la plaque. « Elle court toute la journée, de la nourrice à la baby-sitter, des paquets de couches au biberon de quatre heures », dis-tu. Célia* confirme : « Le morceau résume bien les choses. » Et puis, tu décris pas mal le contraste entre ce quotidien de warrior et la joie d’être mère. « Elle colle vachement à ma vie et à mes ressentis, assure Mam, même en 2021. »
Cependant, ta nana, « elle court de décembre en été », et Katia aimerait te dire que, de son côté, c’est aussi le cas en automne et au printemps. Par ailleurs, elle « fume, fume, fume, même au petit déjeuner » et, ça, c’est plus possible, Jean-Jacques… Le tabac tue, c’est écrit sur les paquets. Bon, t’as une excuse, à ton époque, on fumait dans les bars et les lieux publics, mais, quand bien même, Katia l’assure, « quand t’es seule avec un bébé ou un enfant, la clope, c’est vraiment no way ».
L’argent ne coule pas à flots
Tu as voulu véhiculer une image de Femme libérée façon Cookie Dingler (tube sorti avant le tien) en présentant ta maman solo vivant « comme dans tous ces magazines où le fric et les hommes sont faciles ». Ça part d’une bonne intention, mais tu rêves, tu sais. Dans les familles monoparentales, l’argent ne coule pas à flots. Quant à la partie cul, les rendez-vous galants avec un·e mioche sous le bras, c’est moins pratique… Et puis la « nouvelle féminité », c’est plutôt de kiffer le célibat. « Je défais mon grand lit toute seule, témoigne Katia, mais je suis tellement en vrac le soir que j’en suis ravie ! » Mam, elle, te rejoint sur un truc quand tu parles de « ces années un peu folles où les papas n’étaient plus à la mode » : « Chez moi, les papas ne sont toujours pas à la mode ! J’aime mon indépendance. » Et il n’y a pas que des femmes hétéros qui font des bébés seules, Jean-Jacqueeeuh ! Par contre, carton rouge sur ta chute. Ce narrateur, l’ami qui aide ta maman solo et partage certaines de ses nuits que tu compares à un « grand frère un peu incestueux », ça passe mal aujourd’hui. Aïe aïe aïe ! Culture du viol, J.-J. ! Bon, c’est mignon de l’entendre regretter de ne pas être le père de l’enfant. Mais « fallait se réveiller avant, rouspète Mam. Certains hommes loupent le coche, car ça n’est jamais le bon moment pour eux. On n’est pas obligées de les attendre ! » Comme le prouve ta chanson, d’ailleurs, on n’a pas attendu 2021 pour le faire.
Alors, merci encore, Jean-Jacques. On espère t’avoir convaincu qu’il serait temps de nous inventer de nouvelles chansons d’avant-garde. Depuis toi, personne n’a chanté les mères en PMA. Et y a encore du tabou à détricoter. Des papouilles !