Et joyeux Noël, Félix ! Parce qu’on en a un peu notre soupe des belles histoires de Noël, et parce que, franchement, vu l’année 2020, on n’a pas forcément le cœur à la niaiserie, nous vous avions proposé de nous raconter vos pires réveillons, ou les plus dingos, des 24 et 31 décembre. Embrouilles familiales, cœurs brisés, sexisme éhonté et éléments déchaînés, vous nous avez livré des histoires de nature à faire relativiser les contraintes sanitaires pesant sur nos fêtes cette année.
Noël, c’est la fête de la nativité
Sabrina*, 47 ans
Cette année là, mon compagnon et moi décidons de passer le réveillon de Noël avec mes parents et sa mère. C’est la première fois que mes parents rencontrent les siens, j’ai 26 ans et suis enceinte de huit mois de notre première fille.
Avec mon mari, on appréhendait un peu parce que sa mère peut se montrer affreuse. Mes parents, eux, sont des gens très accueillants, très chaleureux. On était donc légèrement inquiets mais je pensais naïvement que le bébé qui viendrait au monde bientôt aplanirait les choses.
La soirée commence bien. Nous en sommes à l’entrée. Après deux coupes de champagne, ma belle-mère commence déjà à dire n’importe quoi. Elle est assise en face de mon père quand elle sort : « On n’est pas sûr que mon fils soit le père de ce bébé, il faudra faire des analyses. » Elle lance cette bombe avec un naturel déconcertant, pour elle, il n’y a rien de bien grave ni de bien méchant, c’est plutôt de l’ordre de l’évidence.
Mon père me regarde d’un air effaré, ses yeux me demandent quoi faire. Je lui fais comprendre d’enchainer sans faire de vague. Evidemment, j’étais blessée mais je n’ai pas répondu et personne n’a relevé. On voulait tous essayer de passer quand même une bonne soirée. On voulait tellement que ce soit un bon moment. Je ne voulais pas que mon mari regrette de l’avoir invitée. Nous avons donc continué le repas comme si de rien n’était.
Quand nous sommes partis et en avons parlé avec mon mari, je l’ai senti si résigné : « C’est ma mère, elle est comme ça, c’est tout. » Sa mère était incapable de bonté.
Avec le temps, tout le monde a oublié, sauf moi. Cet épisode a créé une rupture, m’a faite comprendre qu’elle et moi, on ne se comprendrait jamais. Même si celle-ci était la pire, il y eut d’autres piques de ce style.
J’ai accouché d’une petite fille, cinq jours après Noël. Immédiatement, ma belle-mère a adoré le bébé et n’a jamais fait d’autre allusion à la paternité de ma première, ni de ma seconde fille. Elle ne s’est jamais excusée non plus.
Avec le recul, je pense qu’elle avait peur que je lui vole son fil unique, l’homme de sa vie. Ils avaient toujours vécu tous les deux. Elle est décédée dix ans plus tard mais pendant tout ce temps, nous n’avons jamais remis le couvert de Noël avec elle.
Des hommes de goût
Antoine, 34 ans
En 2018, j’invite pour la première fois ma copine, féministe, à passer Noël dans ma famille. Je l’avais un peu briefée sur la lourdeur éventuelle de certains membres de la famille, pas des plus déconstruits.
On arrive à 13h depuis le train pour mettre les pieds sous la table, tout le monde est déjà dans la place et l’apéro a déjà été pris. On n’en était encore qu’aux huitres lorsque Sylvain et son père, très éloignés sur le plan de table, se lancent dans un vif débat. « Non mais vraiment, je ne comprends pas comment fait Macron. Brigitte, elle est tout simplement indémontable », soutient Sylvain. « Mais pas du tout, rétorque mon oncle. Avec un sac sur la tête, je la démonte. » Voilà.
Mon père n’a apparemment pas entendu, ma mère a sifflé la fin de la récré sans que Sylvain et son père ne voient bien quel était le malaise et ma chérie a manqué de s’étouffer avec ses crevettes. On en rigole encore, parce qu’en terme d’introduction, vraiment, on pouvait difficilement faire mieux.
Au feu, les pompiers v’là la cheminée qui brûle
Régis*, 42 ans
À la maison, la tradition est d’ouvrir les cadeaux la veille de Noël devant un bon feu de cheminé. Ce 24 décembre 2018 n’échappe pas à la règle. Après le repas, nous prenons un digestif devant le foyer crépitant pendant que les enfants trépignent d’impatience et d’excitation à l’idée de découvrir leurs cadeaux. Ni une, ni deux, voila qu’ils déchiquettent les emballages en papier. Si bien qu’à 22h, le salon a pris l’apparence d’un champ de bataille. Devant la montagne de papiers qui s’accumulent, je prends la décision de mettre les déchets au feu, malgré le regard inquisiteur de mon épouse. Je la rassure en lui disant que mon père faisait ça chaque année et qu’il n’y a jamais eu de problème. Effectivement, au départ, pas de problème, je suis même plutôt fier de mon coup : les enfants se sont rassemblés devant le spectacle des flammes de plus en plus grandes.
Dix minutes plus tard, les flammes ont envahi le conduit de cheminée, les gosses crient et le regard inquisiteur de mon épouse s’est transformé en regard paniqué. Je tente d’éteindre le début d’incendie à coup de verre d’eau… en vain. Dehors, des flammes s’échappent du conduit, tel un brasier de la Saint-Jean. Si je veux sauver Noël, nos meubles et nos vies, je dois me rendre à l’évidence et appeler les pompiers. Il est 22h35 quand les soldats du feu déploient leur échelle sur le toit de la maison pour éteindre les flammes à travers la cheminée. À minuit, les enfants dorment avec leur mère quelque peu agacée chez leurs grands-parents. Le salon est trempé, les cadeaux de Noël aussi.
Le vent du changement
Maria Luisa, 40 ans
C’était le Noël 1999, j’avais 18 ans et je venais d’arriver à Paris, fraîchement descendue de l’avion en provenance d’Equateur, pays Sud-américain où on ne connait pas les saisons. J’étais venue pour apprendre le français et j’avais réussi en cours à me faire une copine du même âge, qui, elle, venait d’arriver d’Inde.
On était fascinées par la nature sans feuilles et les jours courts. Falguni me disait que c’était la première fois qu’elle portait des chaussettes.
Nous avons passé la soirée de Noël ensemble, je me rappelle lui avoir expliqué que Dieu ne s’habillait pas en rouge le 24 décembre pour distribuer des cadeaux, qu’en fait, Noël célébrait la naissance de Jésus et que oui, c’était le même qu’on retrouvait un peu plus âgé cloué sur une croix dans les églises.
Après le repas, on décide de sortir se balader dans les rues du IXeme arrondissement. On est fascinées par le souffle du vent, on n’avait jamais vu ça. Puis, les voitures ont commencé à bouger toutes seules, on s’accroche par les bras pour ne pas tomber poussées par le vent.
On continue à marcher vaille que vaille, toujours émerveillées par le premier hiver qu’on voyait de nos vies, les poubelles valdinguant au milieu des rues. Soudain, boulevard des Batignolles, un arbre s’écrase sur une voiture juste sous nos yeux. Et nous, on applaudit, excitées de voir de près, de vivre le climat des pays du Nord.
Falguni s’arrête et me dit : « Maintenant, je comprends pourquoi ils chantent “vive le vent, vive le vent, vive le vent d’hiver” ». « Oui, je lui réponds, ça fait sens, regarde comme leurs fenêtres explosent, comme leurs toits s’effritent ! »
Rentrées dans ma chambre de bonne, nous avons passé le reste de la nuit à retenir les volets, toujours heureuses de vivre Noël comme les Européens.
L’année ? 1999, celle des tempêtes Lothar et Martin qui firent 92 morts en France et saccagèrent durablement de nombreuses infrastructures et exploitation agricoles dans le pays.
La dindonne de la farce
Lou*, 30 ans
Au Nouvel an 2019, je pars sur un coup de tête à Barcelone avec deux copains et une amie très « fofolle », du genre à sortir ses godemichets devant des inconnus, sans pression. Par hasard, un de mes plans cul se trouve lui aussi à Barcelone, il nous rejoint à l’auberge pour le soir du 31.
Après avoir essuyé mon refus de coucher avec lui par respect pour mes amis, ce jeune homme se met à faire du gringue à mon amie… Et ils finissent sans aucun malaise à partir dans sa chambre.
Le lendemain, tout était absolument normal pour elle, elle m’a même raconté les détails de leurs ébats, dont je me serais bien passée. Depuis, mon plan cul n’est plus mon plan cul, et mon amie n’est plus mon amie non plus.
Une nuit sans fin
Martine, 73 ans
C’est une histoire qui fait toujours rire les gens quand je la raconte, surtout mon fils. C’était un 31 décembre 1974, je fêtais la nouvelle année avec des amies dans un bar restaurant du centre-ville de Metz, privatisé pour l’occasion. La soirée était très sympa. Un peu d’alcool, de la musique. Je rentre chez moi très tôt le matin, je vivais alors seule. Je vais me coucher directement, non sans manquer de programmer mon réveil. A l’époque, j’étais vendeuse au Printemps.
Le réveil sonne, je me lève en forme, je me dis : « Tiens c’est curieux, il fait encore nuit noire. Le soleil a du mal à se lever ce matin. »
Je prends mon petit déjeuner, le soleil n’est toujours pas levé. Je me rends à l’arrêt de bus pour aller au travail. Personne dans les rues, c’est étrange. Je monte dans le bus, absolument vide. D’habitude, c’est l’heure de pointe, il est bondé. Au bout de quelques arrêts, ne voyant personne monter, je vais voir le chauffeur et tente un « Eh bien, il n’y a personne ce matin », histoire de meubler la conversation. Il me répond interloqué : « Ce matin ?! Mais on est le 1er janvier et il est 20h30 ! »
En fait, j’avais dormi toute la journée et je me suis réveillée à 19h00 en croyant qu’il était 7h00. Après l’état de choc, j’ai eu l’un des plus gros fous rire de ma vie. Je me revois rentrer chez moi à pied – le dernier bus en sens inverse était bien sûr déjà passé ! – de rire toute seule dans les rues vides du centre-ville.
Le lendemain, j’ai dû me lever à 7h pour de bon cette fois. Et pour le coup, contrairement à la veille, la fatigue avait repris le dessus, j’ai passé toute la journée à côté de mes pompes.
Strangers in the night
Manon, 31 ans
En 2009, j’avais 20 ans et de l’amour à revendre. Depuis quelques mois, je fréquente Nadir, et je suis persuadée d’avoir rencontré l’amour de ma vie. Noël chez les parents en province, vite, remonter à Paris réveillonner avec lui ! Certes, il a vaguement un plan de soirée au fin fond de l’Essonne avant, mais on a convenu de se retrouver chez moi juste avant minuit.
Je fais le before chez des amis d’amis, tout m’ennuie car rien ne vaut les discussions avec Nadir. Je tâche de ne pas trop m’alcooliser pour rester d’attaque pour la nuit blanche qui nous attend, champagne, pétard et bande-son de qualité sur le toit de mon immeuble auquel on peut accéder via une trappe sur mon pallier.
Je quitte la soirée d’ennui à l’autre bout de Paris à 22h30, je vais être suffisamment en avance pour me repomponner, allumer des bougies. Lorsque je sors du métro à 23h15, un texto : « Désolé, j’ai pas vu l’heure passer, je suis encore à la soirée. » Pour mon cœur bleuet, c’est un drame. « On fait comment Nadir ? Je veux être avec toi à minuit ! » « Ok, rejoins-moi dans ce cas. » Ce n’est pas le tableau que je m’étais figuré, mais c’est toujours mieux que rien, me dis-je en m’engouffrant à nouveau dans le métro.
Ce qui devait arriver arriva : à minuit pétantes, je me retrouvais seule et l’âme en peine dans un RER B arrêté en pleine voie pour dieu sait quelle raison, parmi quelques poivrots, des familles avec poussettes et des travailleurs éreintés. « Et bonne année », lança alors à la ronde un clochard céleste qui me rendit le sourire.
Une histoire d’étoile filante
Sophie, 34 ans
Nouvel an 2014. Cette année là, je me promets : « Le Nouvel an planifié et pourri, c’est terminé, je bosse le 1er à 6h30, je serai donc sous la couette et ce sera très bien comme ça. »
Sauf que début décembre, je fais une rencontre masculine qui me chamboule totalement, un mec tout à fait à mon goût. Le premier rencard est exquis, nous nous découvrons énormément de points communs, le mec est charmant, drôle, cherche sincérité, confiance, douceur – tout ce à quoi j’aspire à ce moment de ma vie.
Je me lance à corps perdu dans cette relation toute fraîche, on passe des heures à discuter ensemble et très vite, on tire des plans sur la comète. Pour moi, on s’était trouvés, pour lui, aussi d’après ses dires.
A Noël, je l’emmène dans mes montagnes natales le présenter à ma sœur, qui, elle, émet des réserves et me dit qu’elle le sent pas, mais je suis trop à fond pour l’écouter. Le 26 décembre, première sonnette d’alarme quand il me dit « gentiment » mais sûrement que je suis un peu « flasque », au niveau du muscle. Deux jours après, deuxième couac : le garçon refuse la position de l’amazone, ça le fait soit disant redescendre… perso, je crois que c’est la sensation de soumission qu’il n’apprécie pas, mais j’essaie de ne pas me formaliser et de m’accrocher à ses qualités.
Il finit par me proposer un repas à la cool pour le 31, chez son meilleur pote et sa chérie et me dit que son frère se joindra à nous. J’accepte sans réserve, d’autant que c’est pratique, ce n’est pas loin de mon travail où je dois être, rappelons-le, à 6h30. Mais dès qu’on a franchi la porte de l’appartement, je suis passé du statut de belle rencontre à plante verte. Il m’ignore littéralement, ne m’inclut pas dans les conversations, m’évite presque.
Du coup, je me noie… dans les bulles jusqu’à m’isoler en larme dans une chambre en mode grosse quiche dépressive. Il ne vient même pas essayer de comprendre ce qui se passe. Je finis par m’endormir et me réveille à 5h30 avec un mal de crâne épouvantable. Renseignements pris, lui a passé la nuit sur un jeu vidéo avec son frère. Il a quand même la délicatesse de m’amener au boulot. Dernier mot échangé devant le bureau : « Je crois qu’on s’est tout dit ? », je questionne. Lui : « On s’est tout dit. »
J’arrive au boulot les yeux bouffis et un marteau dans la tête, réceptionnée par des supers collègues qui me remontent le moral.
Depuis cette fin en queue de poisson, j’ai trouvé ma perle et je vous rassure, lui n’est pas un macho.
Le Gatsby du Nouvel an
Evelyne, 64 ans
Il y a vingt ans, je suis invitée pour le réveillon de la Saint-Sylvestre dans une grande villa d’un quartier cossu d’une petite ville des Yvelines. Je m’y rends en voiture assez tardivement, arrive dans la rue et repère la maison d’où sortent lumière, musique et rires.
J’entre et suis accueillie par plein de gens que je ne reconnais pas mais, travaillant dans l’événementiel et la publicité, je suis habituée à ces soirées chics qui brassent toujours du monde que l’on ne connaît pas. Je bois et savoure des petits fours en me demandant où peut bien être passé le maître des lieux. Jusqu’au moment où je reçois un SMS de sa part, me disant s’inquiéter de ne pas me voir arriver. Je m’étais gourée d’adresse ! Il habitait le même genre de villa à une centaine de mètres de là… Je me revois encore m’éclipser en catimini pour rejoindre mes amis. C’est un excellent souvenir, à la manière de ces pinards qui laissent un souvenir impérissable en bouche.
* Les prénoms ont été modifiés