Dès le mois de juin, la 5G sera accessible dans certaines villes françaises. Plus de numérique partout, tout le temps. Ça peut faire envie. Mais ça creuse un peu plus notre tombe environnementale.
Oyez, oyez, préparez-vous à la révolution. La 5G débarque dans nos téléphones et va changer radicalement nos vies. C’est en tout cas la promesse que les opérateurs de télécoms nous serinent pour vendre cette nouvelle technologie.
Mais d’abord, la 5G, qu’est-ce que c’est ? Comme son nom l’indique presque, la 5G est la cinquième génération de « standards de communications mobiles ». « Il s’agit des normes techniques qui permettent d’utiliser plus ou moins intelligemment les ondes radio qui existent sur terre », traduit Hugues Ferrebœuf, polytechnicien et chef de projet au Shift Project, un think tank qui milite pour un monde moins producteur de carbone.
La 2G a fait émerger la téléphonie mobile, nos bons vieux GSM de la fin des années 1990. La 3G a rendu nos téléphones « intelligents » en les faisant accéder au réseau Internet. La 4G, que nous utilisons toutes et tous aujourd’hui, en est le prolongement, plus rapide, et permet les échanges de données numériques nécessaires, par exemple pour regarder une vidéo sur notre smartphone.
Avec la 5G, on nous promet des connexions dix fois plus rapides avec dix fois moins de « latence », soit le temps qu’il faut pour envoyer et recevoir des données. Vous pourrez faire un WhatsApp vidéo avec Mamie n’importe où sans que l’image ne se fige par moments. Dernier avantage promu de la 5G : dix fois plus de terminaux pourront se connecter au même endroit au même moment. Dans un concert, on pourra donc, tous et toutes en même temps, faire un Facebook Live de la performance de notre chanteuse préférée. Le rêve ? Un cauchemar écologique plutôt…
1. À la poubelle, tous nos vieux appareils
Parce que pour accéder à ces nouvelles « bandes de fréquences », il faudra changer de téléphone. Or « il faut rappeler et marteler que ce qui pollue le plus, dans le numérique, c’est la production des équipements », pointe Amélie Charnay, journaliste high-tech pour le site spécialisé 01net. 80 % de la facture énergétique d’un téléphone portable sont dus à sa fabrication. Et, à l’heure actuelle, seuls 15 % des téléphones dont on ne se sert plus sont recyclés.
2. Plus d’antennes, plus gourmandes
En outre, pour faire fonctionner la 5G, les opérateurs (Orange, Bouygues, SFR, Free) vont devoir équiper les antennes relais de terminaux spécifiques. Et parce que ces derniers seront plus puissants, cela a aussi un coût pour l’environnement. « Ajouter une couche de 5G sur les antennes, c’est multiplier par 2,5 leur consommation d’énergie », dénonce Hugues Ferrebœuf. Et ce n’est que la partie émergée de l’iceberg…
3. Un monde entièrement connecté
« Les opérateurs n’en parlent pas, parce que ça ne concerne pas le grand public, mais la 5G représente aussi pour eux la récupération de l’ensemble de fréquences de bas débit qui vont permettre de démultiplier les objets connectés », explique Laurence Allard, maîtresse de conférences en sciences de communication à Lille et chercheuse à Paris-III. Pour rendre effective la « ville connectée », il faudra en effet des petits capteurs partout : dans les feux rouges, au quatrième sous-sol des parkings… « Ces capteurs collectent et renvoient des données toujours plus nombreuses qu’il faut ensuite stocker dans des data centers qui consomment énormément d’énergie », poursuit-elle. En alourdissant un peu plus la facture environnementale. On estime qu’en 2025, faire tourner les data centers, qui hébergent toutes les données numériques, représentera 1 % de la consommation énergétique mondiale.
4. Et pour en faire quoi ?
Sans 5G, pas de voiture autonome, par exemple. Faire rouler une voiture sans conducteur implique en effet que le fameux temps de latence soit réduit au maximum, pour éviter les catastrophes. Travailler sur ce type de dispositifs et réfléchir aux infrastructures qui vont avec sont une aberration pour Laurence Allard : « On sait que la mobilité de demain ne pourra pas passer par la voiture individuelle. La transition écologique implique de réfléchir plutôt à des solutions de mobilité collective. »
Avant même de voir débarquer des K 2000 partout dans nos villes, la 5G nous est-elle vraiment indispensable ? « C’est un problème récurrent. Les ingénieurs poursuivent des performances techniques sans toujours se préoccuper des usages, qui émergent ensuite, quand la technologie est là », note Amélie Charnay.
Ce qui est certain, c’est qu’un réseau plus rapide conduira à une augmentation des usages numériques. En Corée du Sud, premier pays à avoir déployé la 5G, au début de l’année 2019, on constate déjà que la consommation de données a été multipliée par trois, rapporte Hugues Ferrebœuf. Comment ? « Quand télécharger trois ou quatre films prend moins de temps que d’en télécharger un seul avec la 4G, on ne va pas se priver », déplore l’ingénieur. Sauf que regarder un film en streaming, surtout en très haute définition, consomme, là aussi, beaucoup d’énergie. Encore plus de Netflix, encore plus de gaming sur notre smartphone, des frigos et des toilettes connectées… le tout, au prix d’une consommation d’énergie toujours plus folle : c’est ça, notre futur désirable ? Personne ne nous a posé la question. Dès le mois de juin, des pubs commenceront à nous convaincre qu’il nous faut tout de suite changer de portable. Et c’est la planète qui paiera cher l’addition.